Août 1944, Chartres vient d’être libérée. Pierre a été obligé de prendre la succession de son père, mort en camp de travail. Il tient le salon de coiffure pour hommes. Mais ce n’est pas sa vocation. Il est peintre et sa mère, une héroïne de la Résistance, qui tient le salon pour femmes, propose à ses clientes d’être les modèles de son fils. Lise, l’institutrice, que Jean, le frère de Pierre trouve « bien jolie » se présente à Pierre. Mais à Chartres comme ailleurs la guerre est encore si proche. On tond les femmes qui ont couché avec des Allemands et la justice est souvent très expéditive.

Jean-Philippe Daguerre, l’auteur de Adieu Monsieur Haffmann, pièce couronnée de quatre Molières en 2018, a été inspiré par la célèbre photo de Robert Capa, La tondue de Chartres, représentant une femme tondue, obligée de marcher dans les rues sous les huées et les crachats, à demi déshabillée et portant son nourrisson dans les bras. Il a écrit la pièce et l’a mise en scène en pensant au petit coiffeur qui fut, peut-être, contraint de la tondre et il lui a imaginé une famille. Comme toujours chez Jean-Philippe Daguerre il y a de très belles idées, ce point de départ et ce peintre qui prend un modèle habillé pour imaginer son corps nu et le peindre. Même si l’histoire est ensuite à la fois plus alambiquée et plus convenue, on l’écoute avec plaisir.

On est dans la comédie avec Jean, le frère un peu simplet de Pierre, qui se déplace fusil de son père à la main, semant la crainte, bien que sa mère et son frère ne cessent de répéter qu’il n’est pas chargé, et demandant si c’est le bon moment de s’en servir. Le sérieux s’invite avec les discussions autour de la légitimité des violences que la justice populaire impose à ces femmes. Chacun a ses raisons mais la tragédie finira par s’inviter sur la scène.

La scénographie permet de passer du salon de coiffure à la demeure familiale avec le salon, l’atelier de Pierre ou la cuisine où l’on discute. Des passages dansés s’insèrent avec bonheur dans les dialogues, Jean s’improvisant parfois en modeste Fred Astaire, symbole du triomphe du jazz et de la comédie musicale dans cet immédiat après-guerre. Charlotte Matzneff est la charmante Lise, plus complexe qu’elle n’apparaît au premier abord. Brigitte Faure est la mère et donne à son personnage toute son humanité. Héroïne de la Résistance, militante mais pas sectaire, elle cherche à comprendre, à protéger ses fils et elle adoucit les jugements à l’emporte-pièce de son compagnon FTP incarné par Romain Lagarde. À ses côtés ses deux fils, Pierre et Jean. Félix Beauperin campe un Pierre, plein de honte et de colère pour avoir été contraint de tondre cette femme, protecteur de son frère et de celle qu’il aime. Arnaud Dupont incarne avec talent son frère, Jean, drôle et émouvant, tendre et fragile et pourtant capable d’être roublard sous son apparence naïve et simplette. Il donne toute sa richesse à son personnage.

Une soirée agréable où les histoires intimes rencontrent la grande histoire.

Micheline Rousselet

 « Le petit coiffeur » – À partir du 8 octobre au Théâtre Rive Gauche – 6 rue de la Gaité, 75014 Paris – Réservations : 01 43 35 32 31 – Nouveaux horaires COVID : jeudi et vendredi 18h30, samedi 16h et 18h30, dimanche 15h

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