Adaptation d’une nouvelle féministe de Charlotte Perkins Gilman, au carrefour du fantastique et de la psychanalyse, le spectacle nous conduit dans la psyché d’une jeune mère envahie d’une profonde mélancolie et contrainte par son époux médecin au repos et à l’isolement dans une grande maison, au papier peint jaune. On y trouve certains ingrédients caractéristiques de la littérature fantastique, un vieux manoir, des obsessions, les entrelacs du papier peint laissant imaginer des formes inquiétantes et des silhouettes rampant le long des plinthes. Mais c’est beaucoup plus que cela, le portrait d’une femme en crise après la naissance de sa fille, que son mari enferme pour la guérir dans une chambre aux fenêtres munies de barreaux donnant sur des allées semblant ne mener nulle part, et à qui « pour qu’elle retrouve la paix », il interdit d’écrire.

Une jeune femme vêtue d’une robe blanche à col officier est assise sur un lit. Emprisonnée dans une robe d’autant plus magnifique que ce sont les draps du lit qui en forment l’ample jupe. Une robe qui limite à l’extrême ses déplacements lorsqu’elle se lève, soulignant son enfermement. Des racines sculptées ornent la tête du lit et accompagnent les fantasmes naissant dans la tête de l’héroïne de l’observation minutieuse du papier. Mais ce sont aussi elles qui lui offriront l’échelle lui permettant, jupe enfin dégagée des draps du lit, d’échapper à l’enfermement que lui impose, « pour son bien », son mari. Il faut saluer la beauté et l’intelligence de la scénographie de Sandrine Lamblin. La mise en scène subtile de Lætitia Poulalion et Mathilde Levesque accompagne le parcours de cette jeune femme, que joue avec une délicatesse et une émotion exceptionnelle Lætitia Poulalion. Elle porte avec une force grandissante le combat de cette femme contre ce papier peint, dont les entrelacs cachent des mouvements inquiétants, et son désir de s’échapper.

Au-delà de la mélancolie post-partum c’est de l’emprise de ce mari, qui jouant de sa fonction de médecin l’enferme « pour son bien » et l’encourage à se conformer au rôle social attendu d’une bonne épouse, que l’héroïne se libère. Elle sortira de cette maison et écrira. Scénographie, mise en scène et jeu concourent à un spectacle d’une beauté envoûtante et d’une force exceptionnelles.

Micheline Rousselet

Jusqu’au 14 avril au Théâtre de la Reine Blanche, 2bis passage Ruelle, 75018 Paris – mercredi et vendredi à 21h, dimanche 18h sauf le 14 avril à 16h – Réservations : 01 40 05 06 96 ou www.reineblanche.com

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