Théâtre : le monde d'hier

Dernier livre de Stefan Zweig, publié deux ans avant son suicide au Brésil en 1942, Le monde d’hier décrit de l’intérieur le faste puis l’anéantissement de cette MittelEuropa qui fut ce que la culture pouvait produire de plus raffiné. Celui dont les lecteurs se comptaient par millions, qui fut l’ami de tout ce que ce monde avait produit de plus cultivé et talentueux, Freud, Schnitzler, Rilke, Mahler, Strauss, qui fut l’incarnation parfaite de l’esprit viennois et de son cosmopolitisme, vit ses livres brûlés et se résigna à l’exil dès 1934. Étranger partout, en Autriche en tant que Juif et en Angleterre en tant que citoyen d’un pays ennemi, il écrit : « Même la vraie patrie, celle que mon cœur a élue, l’Europe, est perdue pour moi depuis qu’elle se déchire dans une guerre fratricide ». À travers son destin, c’est celui de toute une génération qu’il fait vivre.

Théâtre : le monde d'hier
Théâtre : le monde d’hier

Si les nouvelles de Stefan Zweig ont souvent été mises en scène, c’est la première fois que l’est cet ultime ouvrage. Laurent Seksik a choisi avec justesse et sensibilité des moments du livre qui témoignent de l’intelligence de la situation qu’avait Zweig et du jugement désespéré que cet humaniste portait sur une Europe emportée par la folie nationaliste. Patrick Pineau qui a beaucoup joué à l’Odéon, sous la direction entre autres de Georges Lavaudant, signe une mise en scène très sobre. Jerôme Kircher, qui a joué sous la direction des plus grands tels Patrice Chéreau, André Engel, Jean-Pierre Vincent, porte la parole de Stefan Zweig. En costume et chapeau gris, il dit avec une justesse et une sensibilité remarquables les mots simples, les phrases concises de celui que l’on peut considérer comme le plus grand novelliste de tous les temps. En à peine une heure, sur la petite scène des Mathurins, sans gestes inutiles, comme s’il nous parlait personnellement, il nous fait partager l’émotion, les regrets, la douleur de celui qui écrivit : « J’ai été le témoin de la plus effroyable défaite de la raison et du plus sauvage triomphe de la brutalité. Jamais une génération n’est tombée comme la nôtre d’une telle puissance intellectuelle dans une telle décadence morale ». Il donne envie à tous les spectateurs de se plonger dans l’intégralité de ce texte qui résonne toujours aujourd’hui.

Micheline Rousselet

Du mardi au samedi à 19h, le dimanche à 15h

Théâtre des Mathurins

36 rue des Mathurins, 75008 Paris

Réservations : 01 42 65 90 00

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