Au moment de prendre un époux Sylvia déclare qu’elle ne consentira au choix fait par son père, M. Orgon, qu’après avoir vérifié que Dorante ne sera pas un de ces hommes aimables en société mais susceptible d’être violent dans l’intimité. Pour ce faire, elle obtient l’autorisation de son père d’échanger sa place avec celle de sa suivante, Lisette, afin de mieux observer son promis.

Dorante a, lui aussi, recours au même stratagème, avec la complicité de M. Orgon. Il ne veut pas épouser sans amour. Et c’est bien d’amour, de coup de foudre dont il est question.

Marivaux, c’est le début du 18ème siècle, du siècle des Lumières, et si l’on perçoit les germes d’une révolution possible dans les élans de révolte d’Arlequin et de Lisette, l’ordre établi sera seulement bousculé pas renversé.

Sylvia, excellente Lucile Jehel, travestie jusqu’au dernier moment en Lisette, exige d’être épousée pour elle-même obligeant Dorante à braver la différence de classes sociales. Telle les femmes d’aujourd’hui, Lucile Jehel incarne une Sylvia prête à aimer mais pas à n’importe quel prix, qui garde sa raison et sa détermination malgré le choc de l’amour. Adib Cheiki en Dorante nous fait vivre intensément les affres de son conflit intérieur – amour ou respect de l’ordre établi ?

Le décor de Matthieu Gambier et la scénographie de Frédéric Cherboeuf et Adib Cheiki décale l’action dans une paillote, sur une terrasse, avec ses lumières et même sa boule disco. Tout est joie, fête, amusement, légèreté sans rien enlever à la profondeur des sentiments et des tourments des personnages croyant tous aimer en dehors de leur classe sociale. Le spectateur est emporté dans ces tourbillons pour son plus grand bonheur. Les imparfaits du subjonctif se mêlent aux chansons pop.

Jérémie Guilain, en Mario, le frère de Sylvia qui suit toutes ses aventures et quiproquo avec tendresse, nous invite par son sourire et ses yeux moqueurs à partager son plaisir. Sa présence en scène est telle que, malgré peu de texte et un rôle qui pourrait sembler secondaire, il devient l’essentiel témoin de ces jeux de l’amour. Frédéric Cherboeuf incarne Orgon avec une finesse et intelligence, metteur en scène qui prend sa fille et son futur gendre à leur propre jeu pour leur bonheur.

L’ extraordinaire Justine Teulié, dont c’est la première apparition sur scène, joue une Lisette ingénue mais malicieuse, prise au jeu de l’amour.

La petite salle du Lucernaire est idéale pour admirer le jeu des acteurs et des actrices, suivre dans leurs yeux, sur leur lèvres le flot de leurs sentiments. Tout est réuni pour un grand moment de plaisir !

Marianne Grissolange Leguen

Jusqu’au 2 juin, à 21h du mardi au samedi, à 18h le dimanche – Le Lucernaire, 53 rue Notre Dame des Champs, 75006 Paris – Réservation 01 45 44 57 34 et sur www.lucernaire.fr – Tournée 24 25 : Grand Est, Bretagne, Île de France, Provence, Suisse. Avignon 24 : Théâtre du Girasole

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