« Il s’assied au dernier rang…
C’est la meilleure place. Personne ne te voit, mais toi, tu vois tout le monde.»
Cette simple phrase résume toute la pièce de Juan Mayorga dans ce qu’on y entraperçoit de la personnalité d’un adolescent dont un emplacement stratégique à l’intérieur d’un groupe va non seulement le rendre attentif aux autres mais bientôt, par le biais de l’écriture de ses devoirs de français, l’amener à déceler l’arrière-plan des comportements humains.
Le point de départ de la pièce est totalement innocent. Un professeur qui corrige les copies de rédaction de ses élèves se plaint auprès de sa femme de la pauvreté des textes auxquels il est contraints de mettre de bien mauvaises notes .
Jusqu’à cette nouvelle rentrée où, dans l’exercice de la rédaction, un élève produit des textes qui échappent à la médiocrité d’inspiration à laquelle l’enseignant semblait s’être habitué.
Tom y exprime un désir grandissant de connaître la maison où vit son ami, d’approcher et pourquoi pas dans son intimité cette famille, de pénétrer dans l’habitation et d’en connaître le détail.
Le professeur saisi par la qualités des textes de Tom, le sens de l’observation, la sensibilité dont le garçon fait preuve avec une évidente naïveté, l’encourage à la poursuite de l’écriture dans ce sens, sans mesurer le risque ni se rendre compte qu’il met l’adolescent sur la voie d’ un exercice pervers.
« Le garçon du dernier rang » est l’histoire étrange d’une « aventure littéraire » qui opère comme un piège où chacun des protagonistes va, à des degrés différents, se laisser prendre.
Paul Desveaux a apparemment choisi d’écarter de son travail de mise en scène et d’approche de la pièce, l’aspect trouble du sujet et s’être détaché de toute trace de machiavélisme
Il semble plutôt avoir pris le parti de considérer le texte comme la peinture de deux familles de la classe moyenne où les femmes, préoccupées l’une par ses soucis professionnels, l’autre par l’ennui dû au désœuvrement, se livrent à des écarts ; où les hommes ne sortent pas de leurs préoccupations, le sport et la retransmission des matches à la télévision pour l’un et son boulot de prof pour l’autre.
La brèche qu’ouvre l’arrivée de Tom dans la routine des deux familles n’introduit pas ici la dimension trouble qu’on attendait de l’enchaînement des choses, de l’escalade des situations, de l’engagement souterrain de chacun sur des chemins risqués.
Les personnages secondaires y compris celui d’André, meneur de jeu à son insu, sont beaucoup trop lisses et transparents pour emboîter le pas aux perches que tend le texte et tirer tout le parti qu’offre la pièce de Juan Mayorca.
Mais on peut, et le plaisir du public et les applaudissements fournis au moment du salut le prouvent bien, se satisfaire pleinement du spectacle en l’état, d’une interprétation attendue mais efficace, d’une dramaturgie soignée, d’une mise en scène minutieusement réglée et de ces quelques moments où l’histoire se trouble un peu.
Francis Dubois
Théâtre Paris Villette 211 avenue Jean-Jaurès 7 5 019 Paris
Réservations 01 40 03 72 23 / resa@theatre-paris-villette.fr
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