Elle est pharmacienne. Elle a connu son mari sur les bancs de la faculté et ils tiennent ensemble l’officine dont les murs leur appartiennent. Ils se sont mariés hors de l’emportement de la passion mais semblent ne rien attendre de la vie que ce qu’elle leur a apporté. La naissance de leurs deux garçons est venue compléter le tableau d’une famille conforme à l’image.
Catholique pratiquante, adepte comme les autres membres de la famille de la messe du dimanche, elle entre en lutte contre les représentations de « Sur le concept du visage du fils de Dieu » de Romeo Castellucci spectacle dont elle ne sait rien mais à propos duquel le bruit court en ville qu’il est un blasphème, une insulte au Christ et la voilà qui emboîte le pas des intégristes religieux avant de rejoindre, sans trop s’interroger, un peu plus tard, les rangs de« la manif pour tous ».
Dans la foulée de la révélation de ses convictions elle refuse de vendre la pilule contraceptive dans l’officine, se laisse convaincre que l’homosexualité ça se soigne et que Marine Le Pen n’est pas le diable.
Ses activités au sein du mouvement de droite lui permettent d’intégrer, ce qu’elle n’était pas parvenue à faire jusque-là, le cercle fermé de la bourgeoisie provinciale et de devenir une proche de la très convoitée épouse d’un grand patron de clinique.
Mais qu’adviendra-t-il de la belle image d’Épinal et des convictions de cette mère sans failles, quand elle découvrira que son cadet est homosexuel…
Le texte de Marine Bachelot Nguyen est d’une justesse et d’une délicatesse confondantes quand il dresse le portrait d’une mère de famille parfaite en tous points, catholique pratiquante, dévouée à sa famille, pharmacienne accueillante dans son officine, bonne mère, bonne épouse mais socialement frustrée quand elle n’a jamais pu jusque-là pénétrer le cercle la bourgeoisie locale.
Quand elle entre en militantisme, c’est avec la ferveur de ceux à qui la vie n’a jamais donné l’occasion de douter, teintée de cette candeur qui met à l’abri de tout risque d’excès.
Mais là où Marine Bachelot Nguyen excelle en dehors du trait fin avec lequel elle dessine son personnage, c’est dans la peinture en filigrane de la province favorisée, de ses cercles jaloux de ses privilèges, le carcan de ses rituels et de ses certitudes..
Le risque était grand avec ce type de personnage et le traitement de ce sujet, de tomber dans la caricature mais le talent d’orfèvre de l’auteur, son écriture ciselée, la justesse d’observation, la mise en scène discrète de David Gauchard et surtout l’immense talent d’Emmanuelle Hiron à la fois conteuse et interprète toute en nuances, écartent dès les premières moments tout danger de débordement.
Il faut courir au Théâtre du Rond-Point applaudir ce spectacle drôle, dramatique, si doucement subversif..
Francis Dubois
Théâtre du Rond-Point 2 bis Avenue Franklin Roosevelt 75 008 Paris
Réservations (partenariat Réduc’snes taRéservations (partenariat Réduc’snes tarifs réduits aux syndiqués Snes mais sur réservation impérative) : 01 44 95 98 21
www.theatredurodpoint.fr
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