Voilà trente ans que La Volière Dromesko a vu le jour. Depuis c’est toujours avec bonheur que l’on a retrouvé, année après année, les images magiques, la musique mélancolique ou joyeuse et les animaux familiers qui les accompagnent.
Leur précédente création Le jour du grand jour se terminait par une noce. Puis est venue la pandémie, les salles et les gradins vides, la peur des lendemains, la mort qui traîne et donc ce dur désir de durer.
On entend au loin une fanfare, des pas cadencés, un char apparaît, avec une Vierge vêtue de velours rouge entourée de bougies et de têtes de morts, porté par des hommes dont on ne voit que les pieds qui martèlent le sol. Ambiance de défilé de Semaine Sainte en Espagne célébrant la Mort du Christ. Mais la mort ne doit pas tout emporter. Les porteurs s’extirpent du dessous du char, s’agitent cul par dessus tête au point que La Vierge se met à les engueuler très sérieusement. Merveilleux condensé de ce qui va suivre.
Les neuf artistes de la troupe passent en courant ou en tirant un lit, un corps, une sorte de fauteuil roulant psychédélique où est assis le violoncelliste le long d’une scène bordée par les rangs des spectateurs. Leur course toujours orientée dans le même sens les entraîne vers un vide où ils disparaissent, comme happés par ce que, tout obsédés par le « dur désir de durer », les spectateurs ne veulent pas imaginer. Entre l’entrée et la sortie, on aperçoit des bribes de vie, un lit d’hôpital, des hommes et des femmes qui s’y succèdent, s’y enlacent brièvement, un homme qui ramasse un enfant mort, essaye de repousser la camarde mais finit par abandonner, des hommes et des femmes qui tentent de résister à la bourrasque qui les emporte vers la sortie, un homme qui voudrait les suivre, mais à qui la porte est claquée au nez.
Cela pourrait être sombre, mais les surprises de la vie sont toujours là. On pleure, on se dispute, on se gifle, on s’aime. Deux musiciens, le violoncelliste Revaz Matchabeli et l’accordéoniste Igor, sur leurs fauteuils roulants surréalistes, sous lesquels se cache parfois un compère qui fait œuvre de percussionniste en grattant le sol de ses ongles métalliques, accompagnent le passage d’un tableau à l’autre. En pleine tempête quatre amis pique-niquent tentant de servir dans des verres un vin qui n’a qu’une idée, prendre la fuite ! Et puis il y a toujours l’humour et les images surprenantes, le petit cochon affublé d’un tutu comme la danseuse qui l’accompagne, le digne et élégant marabout auquel Lili, la créatrice du cirque Dromesko avec l’accordéoniste Igor, chante une belle chanson d’amour, la danseuse espagnole et le petit bouledogue noir qui, équipé de petites cornes, semble se prendre pour un taureau.
Si tout se termine par l’arrivée de la camarde équipée de sa faux, la surprise est encore là. Courez la découvrir dans ce qui est peut-être le plus beau et le plus émouvant de tous les spectacles du théâtre Dromesko.
Micheline Rousselet
Jusqu’au 11 juin à 20h30 au Théâtre Monfort – 106 rue Brancion, 75015 Paris – Relâches du 5 au 7 juin – Réservations : 01 56 08 33 88
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