Monsieur Panhard atteint de « separatus brutus » a fait une attaque, son muscle cardiaque a failli lâcher et il se retrouve aux urgences, entouré de médecins spécialistes de ce syndrome si commun et toujours singulier, une rupture amoureuse brutale. Diagnostic, intervention, protocole de soin, perspectives de rétablissement de ce cœur brisé… Monsieur Panhard porte bien son nom : sa mécanique amoureuse est un peu vieillotte, sympathique mais trop romantique, dépassée comme celle une Panhard Dyna Z avec ses phares tout ronds et sa calandre en bouche aux lèvres fines qui lui donnait un air enfantin et naïf. Si le couple sur le modèle 1+1= 1 va si mal, c’est peut-être parce qu’il n’est plus adapté à notre modernité faite de démultiplication des relations sociales, physiques ou virtuelles, ère de l’individu-réseau aux multiples attachements et aux détachements faciles, un SMS suffit parfois : le Short Message (rend) Service…  

Pour Monsieur Panhard, brillamment incarné par Thomas Ailhaud, il serait temps de se mettre au véhicule électrique partagé mais on est encore tellement attaché au démarrage sur les chapeaux de roue du moteur romantique à explosion ! En attendant, il doit réparer la tuyauterie de son système cardiovasculaire avant de s’exposer à une rechute… Son séjour hospitalier sera rythmé par des séances de purge pulsionnelle en présence de quatre autres convalescents en attente plus ou moins prolongée de leur sortie. Gabriel Arbessier Cadot, Lorette Ducornoy, Anaïs Robbe et Léa Schwartz forment une belle équipe de cœurs endommagés s’agitant autour de Monsieur Panhard pour l’aider à faire repartir la mécanique du désir, « machine désirante » d’un « corps sans organe » aurait dit Gilles Deleuze (1925-1995).

Devra-t-il à l’avenir éviter toutes les routes à sens unique et à destination exclusive ? « On m’a expliqué ce qu’était le PIB, j’ai compris ce qu’était une pandémie, on m’a dit qu’il fallait aller voter. Mais personne ne m’a dit pourquoi on dormait dans le même lit. » Pourquoi en effet s’obliger à dormir dans le même lit tous les jours sous prétexte qu’on s’aime ? C’est si bon de s’étaler à sa guise dans un grand lit, si souhaitable d’épargner à l’autre ses ronflements sans parler du charme ludique de relancer la séduction au moment d’inviter le partenaire à une soirée dans sa chambre…

Ce Dépôt amoureux fonctionne doublement et sans laisser place au dépit ! Au niveau physique et matériel, c’est un lieu de soin où l’on y dépose les cœurs brisés en morceaux mais il faut aussi s’occuper du lieu mental et intérieur de la mémoire : que faire des souvenirs d’une liaison désormais déliée ?

Il faut dire que ces enjeux graves et sérieux sont traités avec humour et un gros brin de folie par Camille Plazar à la fois auteure et metteuse en scène du spectacle. Comédie contemporaine relevée, la pièce est un tourbillon de jeux de mots, de couleurs, de sons et de mouvements qui magnétisent l’espace, met en tension les esprits et créent une synergie salvatrice entre les corps – ceux du public compris !

La guérison sera collective, n’en doutons pas.

Jean-Pierre Haddad 

Théâtre des Déchargeurs, 3 rue des Déchargeurs 75001 Paris. Jusqu’au 25 octobre, du dimanche au mardi à 21h. Infos et réservations au 01 42 36 00 02 ou https://www.lesdechargeurs.fr

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