Si les malades étaient des choses inertes, la médecine serait peut-être une science et même une science exacte ! Mais une malade est un corps souffrant et parlant. Ici, le féminin l’emporte car il s’agit exclusivement dans Le Chœur des femmes de parler du corps des femmes. Ce corps duquel nous sommes tous et toutes sorti.e.s un jour qu’on nomme « naissance », corps que nombre d’hommes ne connaissent pas, voire ne reconnaissent pas !

On le sait, Martin Winckler a été médecin avant de devenir l’écrivain insolite qui bouleversa le monde littéraire, médical et autre avec La Maladie de Sachs paru en 1998. Publié en 2009, Le Chœur des femmes, est un roman de formation au cœur de l’hôpital, dans un service de gynécologie, plus exactement au pôle Mère-Enfant du CHU Nord de Tourmens. Ça change tout : la relation mère-enfant n’est plus un « objet » mais un univers ; quant à la ville fictive chère à Winckler, elle est bien le lieu du tourment… L’interne Jean Atwood y débarque un matin pour parfaire sa formation médicale croyant tout apprendre du professeur sous les ordres duquel elle sera. Jean est son prénom mais il est anglo-saxon et se prononce donc comme celui de Jean Seberg. Précisément, si on gomme la différence linguistique, « Jean » devient un prénom androgyne et ce n’est pas indifférent à l’histoire… Ce faisant, elle découvrira qu’un bon médecin apprend plus des patientes que des livres ou des grands pontes.

Le génie de Winckler dans son livre a été de faire du corps des femmes un chœur de femmes, il fait parler un très grand nombre de femmes de leur corps et au final cela compose une polyphonie. Ce chant choral va bien au-delà d’une intention féministe puisqu’il atteint une chose aussi simple que rare : « la parole des femmes sur leur corps et son écoute par le corps médical masculin ».

L’adaptation du roman de six cents pages par Violaine Brébion suit parfaitement le livre tout en en sélectionnant des moments cruciaux ou représentatifs. Ce qui est particulièrement réussi est la mise en scène qu’elle a réalisée avec Xavier Clion et Clotilde Daniaul. Tous trois jouant également tous les personnages, on peut dire que la complicité a dû être forte et cela se sent dans l’énergie, l’enthousiasme et la précision de leur jeu. Il faut dire que la scénographie de Philippe Ordinaire est inventive autant qu’efficace et surprenante. Tout un hôpital, voire une histoire sociale du corps féminin, et des dizaines de personnages sur un plateau pas si grand et avec une table, deux chaises et un micro, c’est une prouesse !

La générosité de la compagnie Actes Uniques est aussi de proposer un format scolaire de la pièce, à jouer dans les salles de classes à partir de la 4e.

Ce chœur a un grand cœur !

Jean-Pierre Haddad

Avignon Off. Artéphile, Bulle de création contemporaine, 7 rue du Bourg Neuf, Avignon. Du 3 au 21 juillet 2024 à 14h. Relâche les mardi 9 et 16 juillet. Réservations : https://artephile.com/mevents/le-choeur-des-femmes-artephile-24/

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