
On a un peu oublié Germaine Sablon. Pourtant ce fut une grande vedette de cabaret de l’entre deux guerres et ce fut elle qui chanta pour la première fois Le chant des partisans.
A l’origine de ce chant la rencontre de Germaine Sablon et de Joseph Kessel. L’aventurier intrépide, grand buveur et éternel coureur de jupon, la rencontre dans un cabaret où il était venu boire un verre avec sa femme Katia. Il la raccompagne, l’emmène en avion survoler Paris. Katia pense que ce sera l’affaire de quelques heures, quelques jours tout au plus comme elle en a l’habitude, ils resteront ensemble plusieurs années, puis il retournera auprès de Katia. La guerre éclate, la France est occupée, il s’engage dans la Résistance, mais toujours aussi désinvolte, surtout quand il a bu, il se grille auprès des Allemands. Réfugié avec sa femme et son neveu Maurice à Londres, il se voit missionné par le Général de Gaulle pour écrire une chanson destinée à unir les Résistants. Il chargera son neveu, Maurice Druon, d’en écrire les paroles et confiera le soin de la chanter à la BBC à Germaine Sablon, elle aussi résistante et réfugiée à Londres.
Julien Delpech et Alexandre Foulon, déjà auteurs des Téméraires se sont émus pour cette histoire que leur complice Charlotte Matzneff a à nouveau mise en scène. Pour cette pièce qui raconte la naissance d’un chant, elle a souhaité donner une grande importance aux sons. La pièce démarre dans un silence que troue le bruit d’une balle, celle que se tire en plein cœur Lazare, le frère de Joseph qui ne se pardonnait pas d’avoir séduit la fiancée de Joseph alors mobilisé pour la guerre de 1914. Elle se terminera par une chanson, ce fameux Chant des partisans. Entre les deux, quelques flash-back, l’ambiance festive et joyeuse de l’entre-deux guerres avant l’arrivée des Allemands et la fuite à Londres.
Le centre du plateau devient parfois scène de cabaret où Vanessa Cailhol, sculptée dans un superbe fourreau pailleté, chante avec grâce et élégance les chansons de Germaine Sablon et incarne avec talent cette femme féministe, moderne et impertinente. Face à elle Eric Chantelauze incarne un Kessel aventurier intrépide, flamboyant et désinvolte et Elodie Colin interprète à la fois la femme de Kessel et une résistante, la bien nommée la Carpe, car même sous la torture elle ne parlera pas. Thierry Pietra incarne Darrier ami de Kessel, directeur d’un cabaret puis résistant, Thibault Pinson est à la fois Lazare Kessel et son fils Maurice Druon. Et puis il y a Mehdi Bourayou, à la fois pianiste, acteur et bruiteur plein de talent, indispensable créateur de l’univers sonore de la pièce qui fait vivre toute cette époque, les cabarets, le bruit des bottes allemandes et celui des bombes, le train qui emporte les résistants en mission, Radio Londres, les discours de Pétain et celui du Général de Gaulle jusqu’au Chant des partisans que l’actrice qui interprète Germaine Sablon chante d’abord seule avant d’être rejointe par tous les autres protagonistes.
Plaisir d’une pièce qui fait vivre avec intensité deux personnages fascinants, Joseph Kessel et Germaine Sablon.
Micheline Rousselet
Spectacle vu le 1er juin dans le cadre du Mois Molière à Versailles – Festival Off d’Avignon du 5 au 26 juillet, à 14h40 au Théâtre des Gémeaux, 10 rue du Vieux Sextier, 84000 Avignon – Réservations : 04 88 60 72 20
Des militants partagent ici des critiques littéraires, musicales, cinématographiques ou encore des échos des dernières expositions mais aussi des informations sur les mobilisations des professionnels du secteur artistique.
Des remarques, des suggestions ? Contactez nous à culture@snes.edu