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Avec cette pièce, son troisième spectacle, la Compagnie L’avantage du doute a choisi de nous parler de notre rapport aux images et aux media. L’accélération du temps de l’information, le flux médiatique continu, véhiculant des images parfois choquantes, se traduit par une absence de recul rendant difficile la réflexion. Face à ce déferlement d’images nous nous sentons parfois inquiets, souvent impuissants et paralysés.

le_bruit_court-ab.jpgPour parler de tout cela, les cinq acteurs (Simon Bakhouche, Mélanie Bestel, Judith Davis, Claire Dumas et Nadir Legrand) se sont mis dans la peau de journalistes, qui ont décidé de créer une chaîne de télévision différente « Ethique-TV », indépendante, engagée, soucieuse de parler de ce qui passe peu à la télévision classique, bloquée sur la recherche du sensationnel. Privilégier le Cercle de l’industrie où se rassemblaient les grands patrons pour défendre leurs intérêts et les privatisations sous l’égide de Dominique Strauss-Kahn plutôt que la chambre du Sofitel où il s’illustra. Le public du Théâtre de la Bastille est le témoin de cette télé en train de se faire et qui va évoluer. Refus de la publicité, audience insuffisante obligent les journalistes à accepter l’aide d’un mécène qui leur envoie une jeune consultante. Que va-t-il alors se passer ?

Le texte résulte d’un travail collectif où chacun écrit sa partie, à la lumière de ses idées et obsessions sur la place et le statut de l’image et les fait passer au public dans une sorte de conversation. C’est drôle et enlevé, des questions politiques et philosophiques sont abordées avec un humour décapant. Les dilemmes surgissent : faire une télévision différente mais que personne ne regarde, être compétitif mais avoir mauvaise conscience, se passer de publicité et d’annonces accrocheuses mais manquer de moyens pour faire autre chose qu’un spectacle de patronage. Le décor évolue avec la vie de cette télévision. Du bricolage du démarrage avec vieux draps pour projeter les images et table bancale pour des présentateurs maladroits, on passe à un véritable écran, un canapé et une présentatrice sexy.

La Compagnie a souhaité comme dans ses spectacles précédents faire, à côté des questions sociales et politiques, une place à l’intime avec des scènes de couples, les désirs d’ailleurs d’un homme marié depuis longtemps, l’abandon des rêves de jeunesse, et cela nuit un peu à la cohérence de l’ensemble. Par contre l’utilisation de la vidéo est très pertinente permettant une mise en abîme avec le dédoublement voire le détriplement par l’image des acteurs, qui sont tous les cinq très convaincants. Et on les accompagne volontiers dans leur carnaval burlesque final. On sort du théâtre en ayant ri et réfléchi, avec beaucoup de questions en suspens et l’envie de continuer la discussion et un bout de chemin avec eux.

Micheline Rousselet

Du 7 au 16 janvier à 20h, du 18 au 29 janvier à 21h. Relâche les dimanches
Théâtre de la Bastille
76 rue de la Roquette, 75011 Paris
Réservations (partenariat Réduc’snes tarifs réduits aux syndiqués Snes mais sur réservation impérative) : 01 43 57 42 14

====================== le point de vue d’un autre membre de l’équipe de rédaction =============

Après « Tout ce qui nous reste de la révolution, c’est Simon », qui interrogeait sur l’engagement politique et les implications de mai 1968, et « La légende de Bornéo » qui abordait les problèmes du travail aujourd’hui et les nouvelles formes de « management », les membres de la Compagnie « L’avantage du doute » ont opté, avec leur troisième travail collectif, pour le problème du rapport du citoyen à l’image et aux médias.

Le spectacle porte sur les multiples points que le sujet suscite : l’indépendance des groupes de presse, l’accélération du temps de l’information, l’omniprésence des campagnes de communication, l’accroissement du flux médiatique et de la réception des images sur des écrans compétitifs parce que de plus en plus nombreux.
A une époque où l’information et les images abondent et submergent au point de finir par neutraliser l’appréciation personnelle de l’individu, par affaiblir sa capacité à agir et à réagir, cinq journalistes marginaux décident de « faire » différemment. Ils créent avec la chaîne de télévision « Ethique Tv », une forme d’information différente, engagée mais indépendante, qui aborde les problèmes sociétaux sous un angle nouveau en laissant de côté les événements saillants liés à l’actualité immédiate, au bénéfice de sujets de réflexion, de thèmes choisis hors des sentiers battus.

Ils souhaitent intéresser un nouveau téléspectateur avec un programme non complaisant qui ne rendrait plus « le futile sérieux et le sérieux futile ».
Mais une télévision qui ne se préoccuperait pas de l’audimat a-t-elle lieu d’exister à notre époque ? Si personne ne regarde les émissions qu’elle propose, à quoi reviendrait le projet, quels en seraient les objectifs et quel serait son impact ?

Simon, Mélanie, Judith, Claire et Nadir, les protagonistes de la pièce sont « fermes sur les prix ». Pourtant quand une opportunité avantageuse se présente, les plus fermes déterminations montrent des signes de faiblesse et même si l’on veille à ce que les petites compromissions ne portent pas à conséquence, le risque de dérive est-il pour autant écarté ?

Comme à leur habitude, les membres de « L’avantage du doute » ont réalisé une œuvre collective où chacun a créé son personnage et élaboré sa propre partition.

Les réunions du comité de rédaction au cours desquelles sont choisis et définis les sujets qui seront abordés au cours de la future émission donnent lieu à des moments désopilants dont la drôlerie repose sur les ressorts attendus : le respect à tout prix de la ligne définie, la rigueur concernant le choix des contenus, le comportement psychorigide des protagonistes…

Lorsque le spectacle déborde en digressions pour aller du cocasse jusqu’à la mascarade, c’est pour entrainer le spectateur dans un tourbillon où des dialogues percutants n’ont d’égal en efficacité que l’enthousiasme des comédiens, leur énergie, le plaisir communicatif de leur interprétation bouillonnante. La transmission du message avec « Le bruit court que nous ne sommes plus en direct » se fait par le rire, la dérision et dans la démesure.

Un spectacle tonique qui développe dans la bonne humeur, avec efficacité, un sujet brûlant d’actualité, qui associe le franc divertissement à la réflexion.
A voir !
Francis Dubois

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