Théâtre : Le banquet

Après s’être attachée à mettre en scène le monde des bureaux dans Open space en 2014, la comédienne, danseuse, auteure et metteuse en scène Mathilda May s’attaque, au sens propre du terme, au banquet de mariage. Elle invite à cette démolition en règle dix comédiens performers pour un banquet burlesque qui vire au désastre consommé. Il n’y a aucun mot échangé, juste quelques borborygmes. Ce sont les gestes, les élans stoppés en plein vol, les rencontres ratées, les regards et les danses collectives qui vont donner vie à ce moment sensé être festif mais qui, l’alcool aidant, devient vite un condensé des petitesses humaines, des égoïsmes et des espoirs déçus, des nouvelles espérances aussi dans un final imprévu.

Théâtre : Le banquet
Théâtre : Le banquet

Tout commence plutôt mal, la serveuse ne trouve pas l’entrée, le terrain est si accidenté que l’accès au bar relève du parcours du combattant et que le sol trop mou se révèle un piège pour les talons féminins. Ce banquet rassemble une galerie de portraits pittoresque. On y voit le complexé qui répète posture et entrée pour se mettre en valeur, avec bien sûr un ratage complet, la dame qui cherche partout son chihuahua qu’elle a eu l’imprudence de quitter un moment, le beau gosse qui cherche l’occasion, l’adolescente qui cherche l’âme sœur pour un soir ou plus et le petit frère qui ramasse les gifles ! Le père de la mariée entame un discours sans fin (tout cela sans un mot, rappelons-le!) devant l’assemblée qui baille ou dort. La robe de la mariée subit tous les outrages, du vin renversé au vomi, et quand sa mère veut arranger les choses, c’est la lingette verte qui déteint. Pour immortaliser l’événement il y a le photographe qui prend des poses impossibles à la recherche du bon angle. Pour assurer la gaîté il y a le DJ qui lance les danses collectives. Les diaporamas qui doivent rappeler le passé s’avèrent scatologiques, un plat avarié envoie tout le monde vers les toilettes, la vulgarité s’invite avec l’épisode du bouquet de la mariée. Cahin-caha, de dérapage en dérapage, de catastrophe en catastrophe on s’achemine vers l’orage final et, comme dans La noce chez les petits bourgeois de Brecht, tout s’écroule !

C’est le petit cirque de la vie que fait vivre Mathilda May. Chacun y retrouve des situations vécues, des caractères rencontrés. La gaîté de mise ne suffit pas à masquer les espérances déçues et les ratages monumentaux. On pense aux premiers spectacles des Deschiens, en plus acides. Les allers et retours entre le collectif (danses, repas, les hommes entre eux, les femmes entre elles) et l’individuel assurent un rythme qui ne faiblit jamais.

Le talent des performers se passe des mots. Les émotions sont exacerbées et gestes et regards suffisent à les exprimer. Le regard de la mariée sur sa mère ou sur son tout nouvel époux révèle bien des reproches. Des mains masculines s’égarent sur les fesses des femmes. Les situations s’enchaînent sans temps morts, chacun ajoute son petit numéro à la comédie humaine et on rit beaucoup à cette accumulation de petites catastrophes et de ratages C’est tout ce qui se passe derrière les mots, dans la fête qui suit le mariage, qu’ils font vivre. Le burlesque ne supporte pas la médiocrité et Mathilda May joue ici dans la cour des grands.

Micheline Rousselet

Du mardi au samedi à 21h, le dimanche à 15h

Théâtre du Rond-Point

2 bis avenue Franklin D. Roosevelt, 75008 Paris

Réservations (partenariat Réduc’snes tarifs réduits aux syndiqués Snes mais sur réservation impérative) : 01 44 95 98 21

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