Librement inspiré par une nouvelle d’Émile Zola, « La mort d’Olivier Bécaille », L’aquoiboniste devient sous la plume agile et poétique de Jean-Benoît Patricot un thriller intérieur. Un homme se réveille. Olivier ne sent plus son corps vivant, pourtant il pense, il parle. Il se dit qu’il doit se lever, il entend sa bien-aimée Anaïs qui s’affole, appelle les secours, la voisine qui dit qu’il est trop tard tout comme le médecin. Il angoisse, il s’admoneste, pense qu’il fait un cauchemar, avant de se retrouver à la morgue frigorifié avec la peur d’être enterré vivant. Il cherche la force de partir à la recherche de celle qu’il aime. Pourquoi est-elle partie sans lui ?
La mise en scène de l’auteur crée une atmosphère inquiétante, que souligne la musique d’Olivier Mellano. Tout a un air normal et pourtant rien ne l’est. L’immobilité de l’homme, les cris en off créent une sourde inquiétude. Peu de choses suffisent à créer les divers univers. Le lit dressé à la verticale laisse place à une table dans la lumière froide de la morgue, où Olivier en marcel et en caleçon blanc se liquéfie dans la peur. Recroquevillé sous cette table il s’abandonne au désespoir avant de revêtir son costume pour partir à la recherche d’Anaïs à Guérande, devant la mer où il pense qu’il la retrouvera.
Sanglé dans les draps d’un lit dressé à la verticale, Bertrand Skol, bras ballants, yeux fermé occupe le plateau quand les spectateurs entrent dans la salle. Très vite il se met à soliloquer sur sa peur de la mort qui l’a conduit à toujours se dire à quoi bon, même en présence de bonnes nouvelles. Quand il ouvre les yeux, son visage reflète toute l’angoisse de la mort, la peur d’être enterré vivant et de rester seul. Ce désespoir face à la mort et à la solitude qu’elle laisse derrière elle éclate accompagné par la célèbre chanson Warum qui déchire le silence: « Je suis seul et je me demande pourquoi … Je veux être heureux mais tu m’as laissé seul ».
L’acteur sublime la force poétique superbe du texte de Jean-Benoît Patricot. Il est magnifique, passant de l’angoisse à la colère, de l’incompréhension au désespoir. La salle debout, au bord des larmes, lui fait un triomphe.
Micheline Rousselet
Jusqu’au 24 mars à La Scène Libre, 4 bd de Strasbourg, 75010 Paris – du jeudi au samedi à 21h sauf le jeudi 8 février, le samedi 17 février et le jeudi 21 mars. Séances les dimanches 3, 17 et 24 mars à 21h – Réservations : 01 42 38 97 14 ou le-theatrelibre.fr
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