Si vous aimez le 18ème siècle, une mise en scène sobre et inventive, le jeu en costumes, la belle langue, allez voir L’Antichambre au Ranelagh.
La scène se joue dans l’antichambre du salon de Mme du Deffand où elle accueille les grands hommes de son époque, scientifiques et philosophes parmi lesquels d’Alembert, Turgot.
Parce qu’elle vieillit et devient aveugle elle prend chez elle, comme lectrice, la fille illégitime de son frère, Julie de Lespinasse. Avec le président Hénault, fidèle ami de Mme du Deffand, et seul dans le secret de l’identité de Julie, les conversations se poursuivent du salon à l’antichambre du salon. On y parle de liberté, d’identité, de partage de la connaissance, de religion, de discrimination.
Jamais nous ne pénétrons dans le salon proprement dit de Marie du Deffand. Elle y règne, fait et défait les hommes. Ce qui s’y passe nous est raconté par les trois protagonistes. De même les échos du monde, l’affaire Callas ou l’interdiction de l’Encyclopédie nous parviennent par leurs échanges et disputes.
La sobriété efficace de la mise en scène de Tristan Le Doze et des costumes de Jérôme Ragon sert le texte de Jean Claude Brisville, brillant à l’image du 18ème siècle. La diction parfaite des trois comédiens permet de ne pas perdre une miette de ces répliques, toujours pleines d’esprit, qui invitent à la réflexion ou au rire.
Le jeu de lumières, évoquant l’éclairage aux chandelles, construit cette intimité qui se lie entre les deux femmes et le Président jusqu’à ce que leur complicité se rompe dans l’éternel affrontement non seulement des générations mais aussi des partisans de l’ordre contre ceux du progrès voire de la Révolution.
Marguerite Mousset est une Julie très convaincante que le spectateur voit s’épanouir avec bonheur, tandis que Céline Yvon nous touche en femme vieillissante, qui perd petit à petit son pouvoir et reste seule avec sa détresse lucide et amère. Notre cœur balance, tout comme celui de Rémy Jouvin, le Président, tout en subtilité.
La pièce saisit le moment d’un basculement historique : de l’art de la conversation au débat d’idées.
Marianne Grissolange Leguen
Jusqu’au 14 janvier 2024, les jeudis, vendredis, samedis, à 19h et les dimanches à 15h – Théâtre du Ranelagh, 5 rue des Vignes, Paris 16ème – Réservation: 01 42 88 64 44 et www.theatre-ranelagh.com
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