L’intérêt qu’on porte en France à Luigi Pirandello se limite à trois-quatre de ses grands textes : » Six personnages en quête d’auteur », « Ce soir on improvise », « Les géants de la montagne » et plus rarement « Vêtir ceux qui sont nus », montés exclusivement sur les scènes du théâtre public.
Or, son œuvre compte une quinzaine de pièces qui, les rares fois où elles sont portées sur scène, le sont dans le théâtre privé à cause des grands rôles qu’elles offrent.
Marie-José Malis propose pour une quinzaine de représentations « La volupté de l’honneur » qui a été créée à la Comédie de Genève en 2012.
Agata Renni, une jeune femme de vingt-six ans se retrouve enceinte d’un homme marié, le Marquis Fabio Colli.
Or, ni elle, ni surtout sa mère, ni son amant, ne sont capables de faire face à une situation qui, si elle était connue, produirait un scandale.
Ils décident de faire appel à un cousin pour qu’il déniche dans son entourage, un homme qui accepterait d’épouser Agata et d’endosser la paternité de l’enfant à naître.
Celui qui se présente se nomme Angelo Baldovino. C’est un homme à première vue maladroit, vêtu d’un costume mal coupé mais qui s’avère très vite être un individu exigeant quant aux règles du marché qu’on lui propose.
Il accepte de jouer le jeu mais il prévient : la comédie ne sera pas une plaisanterie et il y aura une contrepartie à son accord. Elle ne sera pas d’ordre financier mais ce sera pour lui l’occasion de se parer d’un honneur auquel d’évidence ni sa condition ni les circonstances ne lui ont jamais permis d’accéder, de se comporter en individu scrupuleusement respectueux de la règle établie…
Très vite, de cette façon, Angelo Baldonino devient le tyran irréprochable et encombrant dont le marquis voudra se débarrasser.
Un plateau presque nu (quatre sièges disparates, un tapis à damiers vert pastel et en fond de scène un escalier) donne d’entrée, avec le face à face du Marquis et du cousin qui ouvre la pièce, le ton du spectacle.
On sait dès lors que la mise en scène ne fonctionnera pas sur un rythme mais qu’au contraire, chaque moment prendra le temps d’exister pleinement.
Marie-José Malis fait passer le texte de Pirandello par plusieurs prismes.
L’extrême simplicité du décor, la manière tour à tour réaliste ou décalée d’enchaîner les scènes, les contrastes de tonalité d’un moment à l’autre et un jeu des comédiens toujours imprévisible, surprenant et à chaque fois délectable.
C’est ainsi qu’elle fait passer le texte par des moments de franche comédie, touchant parfois au clownesque, frisant la pagnolade quand les acteurs retrouvent leur accent du sud et que le personnage du curé ne déparerait pas dans une comédie marseillaise.
Plus qu’elle ne joue avec le texte de Pirandello, Marie-José Malis jongle avec lui, avec les personnages, les situations, qu’elle laisse aller un moment pour mieux les rattraper.et passer dans l’instant à une toute autre tonalité.
Tout dans sa mise en scène est d’une grande maîtrise, tout est ciselé et rarement comme ici, on n’aura ressenti la force, la complicité, l’esprit de la troupe qui regroupe des comédiens qui travaillent ensemble depuis des années.
On rit et on savoure l’inventivité de travail, celui de la maîtresse d’œuvre mais celui des comédiens qui donnent tous à leur partition un mélange de rigueur et de grande liberté.
C’est magnifique. Un grand moment de théâtre ! Il faut y courir !
Francis Dubois
La Commune Centre dramatique national d’Aubervilliers.
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