L’autrice nous invite au bilan de sa vie personnelle et artistique : son enfance en Indochine, son rapport à sa mère, sa vie amoureuse et sexuelle avec son amant indochinois, sa rencontre avec Yann Andréa, son addiction à l’alcool, son rapport à l’injustice avec l’histoire tragique du coupeur d’eau. Elle nous emmène de l’Indochine à Paris, de Neauphle-le-Château à Trouville au gré des souvenirs.

Elle est précise, donne les dates, se souvient de l’enterrement de sa mère où elle ne pensait qu’à l’homme qui l’attendait pour faire l’amour. Ce qu’elle dit de l’addiction à l’alcool s’imprime dans la mémoire : « Boire ce n’est pas vouloir mourir, mais vivre avec l’alcool, c’est avoir la mort à portée de main et ce qui empêche de mourir, c’est de savoir qu’une fois mort on ne boira plus ». Jamais d’apitoiement, un ton direct, une observation presque clinique des rapports entre hommes et femmes, une colère sourde contre la chape d’invisibilité que la société pose sur les femmes, une lassitude face aux conséquences de sa célébrité qui la poussent à fuir Paris. Elle exprime sans fard sa sexualité et son goût du plaisir que l’âge n’a pas réussi à émousser. Elle ne s’interdit rien, n’en déplaise aux bourgeois qu’elle n’aimait guère.

Mise en scène par William Mesguich, Catherine Artigala est Marguerite Duras. Regarder une photo entraîne sa mémoire au pays natal, le bruit de la pluie et la musique de son film India Song accompagnent l’évocation des expériences sexuelles de la jeune adolescente. Quelques notes de jazz ramènent à Paris quand l’autrice habitait rue Saint-Benoît. Un guéridon avec un verre est toujours à portée de sa main.

Catherine Artigala est assise dans un fauteuil, mocassins aux pieds, grosses lunettes sur le nez et tandis que la salle se remplit, c’est Duras qui nous observe. Elle livre les mots de l’autrice, avec leur culot, leur brutalité, leur radicalité, leur drôlerie aussi. Elle dit le texte avec une diction impeccable, directe comme l’était Duras, elle se lève, prend un verre, laisse planer des silences, au travers desquels passent les obsessions et les angoisses de l’autrice.

Bien qu’un peu gênante tant la comédienne lui ressemble, cette rencontre avec Duras, fait ressentir tout ce qu’il y avait de lucidité dans ses jugements sur sa vie et son œuvre.

Micheline Rousselet

Jusqu’au 27 août au Lucernaire, 53 rue Notre-Dame-des-Champs, 75006 Paris – du mercredi au samedi à 21h, les dimanches à 17h30 – Réservations : 01 45 44 57 34 ou www.lucernaire.fr

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