
Dans une auberge de la campagne anglaise, un jeune couple, Mollie (Claire de la Rüe du Can) et Gilles Ralston (Jordan Rezgui), s’apprête à recevoir ses premiers pensionnaires. La radio en fond sonore annonce qu’une femme a été assassinée à Londres et qu’un suspect, vêtu d’un manteau sombre, d’un chapeau et d’une écharpe est recherché. Tandis qu’une tempête de neige se déchaîne les pensionnaires arrivent un à un. Vu le temps, tous correspondent plus ou moins au signalement mais nul ne semble y songer ! Le premier, Christopher Wren (Sefa Yeboah) exubérant et volubile se dit architecte, la seconde, Mme Boyle (Clotilde de Bayser) ne cesse de critiquer le manque de professionnalisme des aubergistes, le Major à la retraite Metcalf (Serge Bagdassarian), qui l’accompagne, est à l’inverse calme et bien élevé. Ils sont suivis par une jeune femme solitaire et un peu étrange, Mlle Casewell (Anna Cervinka), puis par un voyageur intriguant, M. Paravicini (Christian Gonon) qui dit avoir dû laisser sa Rolls bloquée par la neige loin de l’auberge. La neige continuant à tomber en bloquant les accès à l’auberge, c’est à skis qu’arrive l’Inspecteur Trotter (Jean Chevalier) chargé d’enquêter et de protéger les voyageurs. En effet sur un mystérieux carnet trouvé près du lieu du crime, se trouvent les paroles d’une chanson enfantine bien connue Tree blind mice laissant soupçonner que deux autres crimes pourraient suivre le premier.
C’est la septième mise en scène de Lilo Baur à la Comédie Française. Avec Serge Bagdassarian, qui joue aussi le rôle du Major, elle a traduit la nouvelle d’Agatha Christie et la met en scène en combinant humour et peur. Dans le décor cosy d’un manoir anglais les personnages arrivent un à un accompagnés d’une bourrasque de neige qui, à chaque fois, envahit l’entrée. Une baie vitrée occupe le fond de scène, mais elle n’offre pas vraiment d’ouverture puisque le niveau de la neige, que le propriétaire et le Major tentent parfois de dégager à grands coups de pelle, continue à monter. Dans ce décor qui devrait respirer la sérénité, l’angoisse va naître de la suggestion de ce qui pourrait arriver. La méfiance se généralise car chacun ne révèle que ce qu’il veut bien dire et a parfois un comportement qui ne peut que susciter la méfiance. L’inquiétude monte peu à peu à l’image de la neige qu’on voit s’accumuler à l’extérieur. Tous les sons deviennent inquiétants, la radio, la comptine des trois souris, un cri dans le noir, la musique qui déraille. Le travail sur la lumière est très cinématographique. Elle s’éteint brusquement, des silhouettes passent lampe de poche en main, des portes s’ouvrent sur des ailleurs qui pourraient être pleins de menaces. La tension monte !
Les comédiens sont bien sûr parfaits, drôle et extravagant comme Sefa Yeboah dans le rôle de Wren, insupportable telle Clotilde de Bayser en Mme Boyle ou inquiétante comme Anna Cervinka en Mlle Casewell, avec juste la touche de normalité qui brouille allègrement les pistes.
Une jolie réussite à savourer dans le noir de la salle, rassuré par la présence des autres spectateurs !
Micheline Rousselet
Jusqu’au 13 juillet à La Comédie Française site du Vieux-Colombier, 21 rue du Vieux-Colombier, 75006 Paris – le mardi à 19h, du mercredi au samedi à 20h30, le dimanche à 15h – Réservations : comedie-francaise.fr
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