Patrick Mons adapte pour le théâtre, joue et met en scène La Solitude du coureur de fond, célèbre nouvelle de 1959 d’Alan Sillitoe qui a aussi donné un film.
Le spectacle s’ouvre sur Patrick Mons en tenue de sport, un crayon à la main, assis dans l’ombre au bord du plateau. Il joue l’auteur qui nous dit à quel pont son héros, Colin Smith, bien que personnage fictif, est si proche de lui qu’il a l’impression de le connaître. L’instant d’après, il devient Colin Smith qui commence son soliloque. Enfermé dans une maison de correction pour avoir braqué une boulangerie, le directeur propose à Colin Smith de défendre les couleurs de l’établissement pénitentiaire en participant à la course de fond des maisons de correction. Pour le convaincre, il lui parle de confiance et d’honnêteté et espère en faire un exemple de la réhabilitation par le sport. Il s’entraîne très tôt tous les matins dans le froid, le ventre creux. Cette échappée solitaire permet à ses pensées de surgir au rythme de sa foulée. Il se remémore son enfance, son père trop bon face à une mère dépensière qui le trompait, ses vols avec son copain Mike. N’a-t-il pas appris à courir pour semer la police à sa poursuite ?
Patrick Mons réussit à nous faire vivre physiquement cette épreuve. Martelant le sol et ne cessant presque jamais de courir, il nous fait partager le fil de ses pensées. Au rythme de ses pas et au phrasé de sa diction se mêlent la musique lancinante du saxophoniste de jazz, Art Pepper, interprétée par Esaïe Cid en accord avec son introspection.
En décidant de ne pas couper le ruban bleu le jour de la course alors qu’il est proche de la victoire, il conquiert la véritable liberté et honnêteté qui n’ont rien à voir avec le droit chemin défendu par le directeur et tous les représentants de la bourgeoisie qui rêvent de sa victoire pour en tirer parti. La compétition sportive n’est pas au service de la réinsertion comme veut le faire croire le directeur. Mais courir seul dans la nature lui a permis de se trouver et de décider de faire de son échec choisi un acte de rébellion.
Exceptionnelle performance d’acteur au service de la révolte contre l’ordre établi et la bien-pensance.
Frédérique Moujart
Jusqu’au 10 novembre, du mercredi au samedi à 19h ou 21h, le dimanche à 18h ou à 20h – Le Funambule Théâtre-Montmartre, 53 rue des Saules, Paris 18ème – Réservations : 01 42 23 88 83 ou www.funambule-montmartre.com
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