Dernière création de l’Argentin Mariano Pensotti, La obra met en scène un homme, Simon Franck. Ce Juif polonais, rescapé des camps nazis et réfugié en Argentine après la guerre, recrée dans la petite ville où il habite, sa maison natale, son école, le journal où il travaillait et même le camp où il fut interné. Chaque année il fait jouer son histoire par des habitants de cette petite ville. Le projet prend de plus en plus d’ampleur, les bâtiments se multiplient, de plus en plus d’habitants interviennent jusqu’au jour où … S’ajoute à cela un metteur en scène libanais qui, fuyant les violences de son pays, est venu en Argentine pour faire des recherches sur ce spectacle imaginé par Simon Franck et reconstituant sa vie à Varsovie avant la guerre.

Le spectacle aborde beaucoup de questions : la violence, aussi bien celle de l’Allemagne nazie que celle de la dictature militaire qu’a connue l’Argentine, l’Histoire, car l’Argentine a accueilli après la guerre aussi bien des nazis cachés que des Juifs cherchant une vie nouvelle, le mensonge, car comme le dit Mariano Pensotti « Aucun personnage n’est exactement ce qu’il prétend être, tout a un sens caché », le théâtre enfin, lieu par excellence où le faux donne l’illusion du vrai. C’est d’ailleurs du théâtre qu’est partie l’idée de la pièce avec ce village de Nova Jerusalem, dans le Nord-Este du Brésil, où chaque année les habitants rejouent la passion du Christ avec toute sa violence. Mariano Pensotti s’est interrogé sur ce que cette expérience pouvait avoir comme conséquences dans la vie de ceux qui jouaient.

Ce qui est remarquable dans La obra c’est cette construction baroque du monde très borgésienne qui ressort de la pièce. Un jeu de reflets étourdissants, une mise en abyme vertigineuse où le passé rencontre le présent et où le spectateur se perd avec délice cherchant à démêler le vrai du faux.

La scénographie de Mariana Tirantte, Mariano Pensotti préfère parler de « dispositifs narratifs scéniques », est spectaculaire. Un demi-cylindre de bois tourne lentement. Tantôt on en voit l’extérieur, avec les habitants de la petite ville parlant de leur arrivée dans la pièce, tantôt c’est l’intérieur du cylindre que l’on voit, avec Mansour, le Libanais, ou les habitants du village chez eux. Chacun parle de son arrivée dans la pièce, de sa vie, des réflexions que lui suggère son rôle et des conséquences qu’il a eues sur sa vie personnelle. Des vidéos reconstituent les décors créés par Simon Franck, le champ qui se remplit de constructions, des images de la petite ville. De la musique offre des moments de respiration. Mariano Pensotti a écrit le texte et l’a mis en scène mais il est ouvert aux suggestions de ses acteurs dont il dit que « ce ne sont pas que des interprètes mais aussi en partie des metteurs en scène ». Tous les six sont très convaincants.

Une pièce passionnante où l’histoire de l’Argentine et celle du Moyen-Orient apparaissent en filigrane, mais où c’est la question du vrai et du faux et celle du théâtre qui sont au cœur de la réflexion. Un puzzle éblouissant.

Micheline Rousselet

En français et en espagnol surtitré – Jusqu’au 26 octobre au Théâtre de la Cité Internationale, 17 bd Jourdan, 75014 Paris – lundi, mardi à 20h, mercredi et jeudi 19h – Réservations : 01 85 53 53 85 ou theatredelacite.com

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