Tout commence par un naufrage. Deux jumeaux, Viola et Sébastien, se retrouvent séparés et croient l’autre mort. Viola pour survivre se travestit en garçon, devient Cesario et se met au service du Duc Orsino. Orsino aime Olivia une jeune veuve et charge Cesario de porter ses messages d’amour. Olivia refuse l’amour du Duc mais tombe amoureuse de Cesario-Viola qui elle aime Orsino !
Benoît Facerias et sa Compagnie Les lendemains d’hier a tout de suite été séduit par cette comédie de Shakespeare troublante, drôle et émouvante, moderne aussi par ses remises en cause des assignations de genre et par ce qu’elle dit sur le trouble du désir amoureux. Dans le choix d’un théâtre populaire et festif, qui fait sa marque, Benoît Facerias a d’abord écrit une très courte adaptation, destinée à être jouée sur des places de villes ou de villages. Gardant l’idée d’un plateau nu, il l’a ensuite étoffée en une pièce de 1h10 (au lieu des 3h30 d’origine) en gardant tous les quiproquo mais en laissant de côté intrigues et personnages secondaires. Il a conservé l’idée d’un spectacle complet avec musique et merveilleux. Six comédiens, il faudrait plutôt dire deux équipes de six comédiens ce qui leur permettra de jouer simultanément cet été au Lucernaire et à Avignon, jouent tous les personnages et n’hésitent pas à inclure les spectateurs dans leur jeu. Tout est mis au service du texte car c’est le texte de Shakespeare que l’on entend, juste dans une traduction un peu modernisée pour la rendre accessible à tous.
Avant que la pièce ne commence le plateau est occupé par deux musiciens, un guitariste et un percussionniste (cajon) munis de lunettes noires auxquels se joindra ensuite un trompettiste. On glisse sans hésitation de chansons de Queen à Francis Cabrel. Une narratrice, douée d’un humour irrésistible (Céline Laugier ou Nolwen Cosmao) enchaîne les consignes habituelles (éteignez vos téléphones !) et le résumé de ce qui s’est passé précédemment dans la pièce, tout en précisant quand elle parle de « la douce Olivia » qu’elle est Olivia ! Vous suivez toujours ? En fait on s’y retrouve très bien. Il y a un fou (Pierre Boulben ou Melchior Lebeaut) avec son bonnet à pointes, clown sautillant et détonnant, un Orcino (Ugo Pacitto ou Clément Paul Lhuaire) amoureux éconduit mais tenace, capable toutefois de changer très rapidement l’objet de son amour, un Toby (Benoît Facerias ou Maxime Bocquet) toujours au bord de l’ivresse, un Malvoglio imbu de lui-même (Arnaud Raboutet ou César Duminil) d’un ridicule irrésistible avec ses bas jaunes et ses jarretières croisées. Il faut saluer aussi Justine Morel (en alternance avec Joséphine Thoby) passant du rôle grave de Cesario-Viola à celui de l’elfe farceur Maria.
C’est Shakespeare comme vous ne l’avez jamais vu. C’est rythmé, drôle, enlevé, poétique, sensuel, troublant. Courez-y !
Micheline Rousselet
Jusqu’au 27 août au Théâtre du Lucernaire, 53 rue Notre-Dame-des-Champs, 75006 Paris – du mercredi au samedi à 18h30, les dimanches à 15h – Réservations : 01 45 44 57 34 ou www.lucernaire.fr
Du 7 au 29 juillet au Théâtre du Roi René dans le festival Off d’Avignon à 21h20 – Relâche les lundis
Puis le 18 novembre à Templeuve, le 23 novembre au Palais des Congrès de Versailles et le 14 mai 2024 à Villeparisis
Des militants partagent ici des critiques littéraires, musicales, cinématographiques ou encore des échos des dernières expositions mais aussi des informations sur les mobilisations des professionnels du secteur artistique.
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