Théâtre : la légende de Bornéo

Après son travail sur l’engagement politique à la lumière de mai 68 avec Tout ce qui nous reste de la révolution c’est Simon , dont Judith Davis a tiré un film tout juste sorti sur les écrans, le Collectif L’avantage du doute s’intéresse cette fois au travail. Le titre de la pièce fait référence à une vieille légende de Bornéo qui raconte que les orangs-outans sauraient parler mais se garderaient bien de le faire de crainte qu’on ne les oblige à travailler !

Théâtre : la légende de Bornéo
Théâtre : la légende de Bornéo

Comme à son habitude le Collectif part d’entretiens, de lectures, de films puis se lance. Le résultat ? Ça vit, ça discute, ça s’engueule. Quelle est l’importance du travail dans nos vies, comment échapper à un envahissement qui peut aller jusqu’à l’intime, quelles conséquences son organisation peut-elle avoir sur les relations sociales en général ? Il ne s’agit pas de faire une étude sociologique mais de proposer des questionnements en partant de vies individuelles. On commence par rire car les acteurs jouent des décalages de perception, se disputent, s’énervent, mais très vite on s’interroge sur des choses qui paraissaient évidentes. Placé sous le signe du poète Walt Whitman qui écrivait « Je ne joue pas de marche en l’honneur des seuls vainqueurs. Mes marches de triomphe sont aussi en l’honneur des vaincus » le Collectif s’intéresse donc plutôt à ceux qui font des pas de côté. Les personnages n’hésitent pas à dire ce que souvent l’on tait ou qu’on habille de justifications plus ou moins sincères : l’ennui, l’intérêt imaginaire de son travail, l’angoisse d’être licencié, les rivalités, parfois le burn-out à l’horizon. Mais le ton est à la déconstruction, celle du vocabulaire, de l’organisation du travail considérée comme un impératif catégorique et du culte de la performance. Le mot d’ordre semble être distance et ironie.

Les cinq membres du collectif, Simon Bakhouche, Mélanie Bestel, Judith Davis, Claire Dumas, Nadir Legrand joue avec humour et détermination leur partition. On est un peu surpris au début en croisant un homme qui, comme les ouvreuses d’autrefois, vend des douceurs dans la salle ! C’est Simon Bakhouche qui avec bonne humeur vend des gaufres pour compléter une pension de retraite trop faible et qui, plus tard, évoque ses souvenirs. Le ton est donné. Au fil de la pièce, on croisera un couple tellement imprégné du vocabulaire de gestion de l’entreprise et de l’impératif de rentabilité qu’il les utilise dans ses rapports de couple, un défenseur du travail qui semble convaincu par les impératifs que lui impose son entreprise mais finit par révéler quelques failles, une employée de Pôle Emploi qui, après un monologue récité à la vitesse d’un TGV, finit par exploser, une fille (Judith Davis) qui refuse d’entrer dans le moule du travail classique et veut vivre de sa passion, le théâtre, ce que les autres considèrent comme un hobby et non comme un travail.

Tout cela est un peu foutraque, mais cela fait partie du charme du projet. On en sort requinqué et avec une folle envie de débattre.

Micheline Rousselet

Du mardi au samedi à 19h, le dimanche à 17h

Théâtre de l’Atelier

Place Charles Dullin, 75018 Paris

Réservations : 01 46 06 49 24

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