Pippo Delbono revient au Théâtre du Rond Point avec sa nouvelle création, la première depuis la mort l’hiver dernier de Bobò, cet homme sourd, muet, microcéphale qu’il avait recueilli en 1996 dans un hôpital psychiatrique du sud de l’Italie et dont il avait fait un collaborateur artistique qui l’avait conduit à ouvrir sa compagnie à des laissés pour compte, réfugiés et handicapés.
Pippo Delbono a coutume de commencer ses projets en leur choisissant un titre, une sorte de fil rouge qui indique son objectif, ce qui ne l’empêche pas d’aller explorer des chemins de traverse pour revenir riche de nouvelles expériences vers cet objectif. Celui-ci s’appelle La joie , il avait envisagé aussi La possibilité de la joie mais s’est arrêté à La gioia. Il construit ensuite des tableaux à partir de ses rêves, de ses souvenirs, de ses rencontres, des images qui le traversent et des suggestions de ceux qui travaillent avec lui.
La gioia commence avec un homme souriant qui arrose un petit bout de pelouse. Le noir se fait. Quand la lumière revient une fleur a poussé. De nouveau le noir et la lumière revenue deux fleurs se dressent puis trois puis des bouquets entiers. La joie est là venant après le silence et la douleur du noir car « La joie est un fait, une chose, … un chemin qu’on vit, dont on fait l’expérience pendant la traversée de la douleur ». La mort de Bobò a laissé derrière elle le vide et le silence. Avec ses petits cris Bobò amenait la légèreté, la force, l’amour, le mystère, « il parlait de choses que nous ne pouvons pas comprendre avec notre tête par l’analyse ». Mais après la douleur, la joie revient. Elle se cache dans les petits détails, où il faut aller la chercher.
Pippo Delbono a écrit les paroles, les musiques, les danses et surtout les images de ce spectacle. En maître des cérémonies il s’empare du micro, l’imprécation voisine avec la poésie qui flirte avec l’humour et l’humour avec le sérieux (« Je suis guéri car je fais parfaitement le fou … Je suis le fou qui anéantit la logique de toutes vos constructions). Son souffle amplifié par le micro fait écho à la musique, celle qu’il a écrite enlaçant des standards comme Don’t worry, be happy ou Petite fleur. Les silences font place à la voix de Bobò, ses petits cris. Les images surtout, à la fois très fortes et pleines de poésie, s’impriment dans les mémoires. Des tas de vêtements s’amoncellent, des bateaux en papier sont déposés sur la scène, images des réfugiés qui dorment sur nos trottoirs quand ils ne finissent pas dans la mer « que nous avons ensemencée de noyés ». Dans une cage un artiste danse, un cortège de danseurs en tenue extravagante passe ou se lance dans une danse rendue plus folle par les flash des lumières stroboscopiques, un Auguste triste porte le gâteau pour l’anniversaire de Bobò.
Mais la tristesse va faire place à la joie. Les feuilles mortes qui avaient envahi la scène sont recouvertes par les fleurs qui descendent même des cintres en guirlandes multicolores. La musique devient plus gaie, Pippo Delbono fait entrer Bobò dans la danse, le cortège de danseurs revient en majesté. Après l’hiver un printemps flamboyant remplace les mois de souffrance et de deuil. Il s’impose, la gioia a triomphé et c’est magnifique.
Micheline Rousselet
À 21h. Relâche les lundis
Théâtre du Rond-Point
2 bis avenue Franklin D. Roosevelt, 75008 Paris
Réservations (partenariat Réduc’snes tarifs réduits aux syndiqués Snes mais sur réservation impérative) : 01 44 95 98 21
Quelques dates de tournée en France : 27 novembre à Villefranche sur Saône, 3 et 4 décembre au Merlan à Marseille, 6 et 7 décembre à Sète, 10 et 11 décembre à Besançon, 13 décembre à La Filature à Mulhouse, 17 et 18 décembre à Annecy
Des militants partagent ici des critiques littéraires, musicales, cinématographiques ou encore des échos des dernières expositions mais aussi des informations sur les mobilisations des professionnels du secteur artistique.
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