Après sa trilogie de L’A-Démocratie consacrée au pétrole, au nucléaire et à l’armement, Nicolas Lambert s’intéresse cette fois à quelques vides de notre histoire nationale du XXème siècle, du moins telle qu’elle nous est contée à l’école, ceux liés aux guerres coloniales.

Tout part d’un devoir proposé au brevet des collèges qui demandait aux candidats de « montrer en quelques lignes que l’armée française est au service des valeurs de la République » et de souvenirs dégottés dans le grenier de ses grands-parents picards. Sa réflexion le conduit à se pencher sur cet Empire que les manuels scolaires post-décolonisation semblent oublier, sur cette guerre d’Algérie qui a mis longtemps à être nommée, sur des épisodes occultés, comme le massacre des tirailleurs sénégalais en 1944 à Thiaroye, ou celui des Algériens à Paris le 17 octobre 1961, sans compter les viols devenus armes de guerre pendant la guerre d’Algérie. Il souligne ainsi le rôle pas très reluisant de l’armée, une armée au service du maintien de l’Empire et non des valeurs de la République, tout comme le sont les responsables politiques, développant un art subtil du travestissement langagier, comme nommer « événements » la guerre d’Algérie ou « terroristes » ceux qui luttaient pour l’indépendance de leur pays.

Nicolas Lambert est un magnifique conteur. Il zoome sur les événements, se fait naïf curieux pour s’interroger sur ces « héros » dont les noms ornent nos plaques de rues et stations de métro ou sur l’absence de films ou de musées sur l’histoire de la colonisation et de la décolonisation. Il imite voix, intonations et attitudes des responsables politiques comme celles de Sarkozy déclarant dans le discours de Dakar en 2007 « Le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire » ou de De Gaulle dans l’immédiat après-guerre, faisant semblant de ne pas comprendre lorsqu’on lui parle de donner aux Algériens les mêmes droits qu’aux Français d’Algérie.

Pour révéler ces pans de l’histoire trop souvent cachés, il se fait ironique et grave, moqueur et dénonciateur, passionnant toujours. A recommander sans modération aux lycéens et étudiants !

Micheline Rousselet

Jusqu’au 27 juin 2024 au Théâtre de Belleville, 16 Passage Piver, 75011 Paris – du mercredi au samedi à 21h15, les dimanches à 17h, relâches les 17 avril et 4 mai – Réservations : 01 48 06 72 34 ou theatredebelleville.com

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