L’émotion ressentie en assistant à un spectacle d’opéra, où la beauté du chant touche au plus profond du cœur, peut-elle transformer pour un temps, ou plus, la vie d’un spectateur ?

Tout commence donc dans l’obscurité avec le visage d’une chanteuse et des musiciens qui l’accompagnent, sculptés par la lumière, interprétant un air magnifique d’un opéra baroque un peu oublié, L’Orontea, d’Antonio Cesti. Lorsque le chant se tait, la lumière éclaire le plateau et la dizaine de spectateurs qui assistait à la représentation sort, échangeant ses impressions et ses émotions. On va donc suivre, tout au long de la nuit et de la journée suivante, un couple qui allait à l’Opéra pour la première fois, une députée conservatrice au Parlement européen, qui doit défendre le lendemain un projet favorable à l’autorisation de pesticides, en compagnie de son mentor et soutien financier, une employée européenne opposée au projet avec son amoureuse, un fonctionnaire modèle et sa maîtresse et un isolé qui se désespère de n’avoir pas été rejoint par sa belle. De la brasserie où ils vont dîner aux chambres d’hôtel où on les retrouve, vont alors se déployer des chassés-croisés amoureux où les amours basculent comme emportés par cet opéra.

David Lescot nous avait enchanté en 2019 avec sa comédie musicale, Une femme se déplace, qui avait connu un beau succès public et critique, mais dont la carrière avait été stoppée en plein vol par l’arrivée de la pandémie. Il a donc décidé d’offrir à la troupe qui l’accompagnait alors, Élise Caron, Pauline Collin, Ludmilla Dabo, Marie Desgranges, Matthias Girbig, Emma Liégeois, Jacques Verzier, cette force qui ravage tout. Avec fluidité on passe des dialogues ciselés souvent emplis d’humour aux chansons inspirés de la pop, du jazz, de la soul et du spoken word (où un texte est plaqué sur un morceau de musique). La musique acoustique (piano électrique, basse, guitare et batterie), jouées par quatre musiciens qui semblent planer dans un nuage, se mêle d’effets électroniques créant un sentiment d’étrangeté en accord avec celle des situations.

Le rythme ne faiblit jamais, les éléments de décors sont déplacés par les acteurs aussi chanteurs et danseurs. Les moments de bravoure sont enthousiasmants, comme cette joute oratoire au Parlement européen où, lors d’un vote sur un pesticide agricole, s’affrontent à coups de vociférations enflammées Pauline Collin et Ludmilla Dabo avant que la Présidente de l’Assemblée (Élise Caron) ne s’en mêle.

On est emporté par ces voix qui résonnent bien, ces dialogues enlevés touchant à l’actualité et empreints d’humour. C’est drôle, profond, cela éclate de vie et on se prend, comme les personnages de la pièce, à s’interroger sur la capacité de l’art à changer nos points de vue sur la vie.

Micheline Rousselet

Jusqu’au 27 janvier au Théâtre de la Ville-Espace Cardin, 1 avenue Gabriel, 75008 Paris à 20h, le dimanche à 15h – Réservations : 01 42 74 22 77 ou theatredelaville-paris.com – Tournée : CDN de Tours du 1er au 4 février, 28 février et 1er mars Château Rouge à Annemasse, 10 mars Théâtre de Rungis, 16 et 17 mars Scène Nationale de Perpignan, 25 au 27 mai MAC de Créteil, 8 juin Scène Nationale de Quimper

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