Qui était Valérie Jean Solanas ? L’auteur météorique d’un brûlot d’un féminisme radical, attaque en règle du patriarcat, le SCUM Manifesto, morted’overdose ou de maladie dans un hôtel de passe miteux de San Francisco ? Une petite fille violée par son père puis par son beau-père dès ses sept ans que n’a pas su protéger sa mère, sorte de bimbo perpétuellement à la recherche de l’amour des hommes ? Une femme en colère, droguée, alcoolique, d’une intelligence brillante et d’un humour féroce, qui rêvait d’un monde sans hommes, « ces accidents biologiques » ? Une malade mentale ou celle qui, après l’avoir fréquentée comme d’autres freaks, n’a pas été dupe des prétentions artistiques de la Factory et a tiré sur Andy Warhol le blessant grièvement ? Tout cela elle le fut, plus écrivaine encore peut-être, mais sa mère a brûlé tous les feuillets qu’elle avait laissés.

Christophe Rauck, en quête d’une histoire à offrir à l’actrice Cécile Garcia Fogel, a été séduit par le roman de Sara Stridsberg, une fiction documentée sur la vie de Valérie Jean Solanas. Il en a commandé une adaptation à Lucas Samain, un ancien élève de l’Ecole du Nord de Lille qu’il dirigeait.

Un personnage, « la narratrice » va accompagner le spectateur dans cette histoire pleine de bruit et de fureur où l’on passe d’un lieu à l’autre, d’une époque à l’autre. On démarre en 1968 au procès de Valérie Solanas après qu’elle a tiré sur Andy Warhol. L’interrogatoire en anglais dit par une voix off est traduit sur un écran en fond de scène. On y entend déjà sa colère, son insolence, elle refuse de dire pourquoi elle a tiré sur Warhol et renvoie ses juges au SCUM Manifesto. Dans un coin du plateau une balancelle, fondatrice de sa rage, celle où son père la violait quand sa mère s’absentait. Au centre du plateau une sorte de boîte vitrée, qui peut s’opacifier pour qu’on y projette dates, lieux, interrogatoire et réponses lors du procès. Redevenue transparente elle est la Factory avec un Andy Warhol avec sa perruque argentée et ses courtisans, l’Université où Valérie Solanas se lance dans des expériences sur les souris avec son amie Cosmogirl ou l’hôpital psychiatrique où Valérie Solanas a été internée après l’attentat contre Andy Warhol.

Cécile Garcia Fogel interprète avec rage cette femme qui se bat contre les conventions de la société américaine des années 60, une société patriarcale où les hommes violent leur fille, où les femmes pleurent sur la mort de Marilyn Monroe, mais sont incapables de vivre sans se soumettre au désir des hommes. Magnifique aussi Mélanie Menu incarne l’amie, Cosmogirl, à la vie tout aussi pathétique se prostituant auprès de tous les juges de l’État pour tenter de sauver de la chaise électrique sa mère. Cécile Garcia Fogel passe de la voix enfantine de celle qui raconte ses viols, à la voix emplie de colère de celle qui se revendique écrivaine, artiste, activiste, féministe en version XXL. Se faisant provocatrice pour faire bouger les lignes d’une société dominée par les hommes elle est cet ange noir hanté par la mort, qui brûle sa vie en se revendiquant « pute, alcoolique et droguée » et qui finira seule dans un hôtel miteux où son corps ne sera découvert que cinq jours après sa mort, déjà couvert d’asticots.

Micheline Rousselet

Jusqu’au 8 avril au Théâtre Nanterre-Amandiers, 7 avenue Pablo Picasso, 92022 Nanterre – mardi et mercredi à 19h30, jeudi et vendredi à 20h30, samedi à 18h, dimanche à 15h –

Réservations : 01 46 14 70 00 ou nanterre-amandiers.com

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