Le théâtre des Bouffes du Nord, ses vieilles moulures et ses revêtements pelés, sa scène haute et étroite, se prête à l’imaginaire pour donner à voir la haute silhouette de Notre Dame de Paris, en chantier, aujourd’hui comme hier. Un échafaudage, ses recoins et 7 cloches suffisent à représenter le repaire/refuge de Quasimodo, une colonne gothique devant laquelle se tient Frollo, hiératique et menaçant, une rosace et nous voilà devant la cathédrale. Un autre échafaudage, scène sur le devant de la scène, tour à tour taverne, prison, puis bûcher.
L’opéra peu connu, à peine joué de Louise Bertin sur un livret de Victor Hugo, est ici resserré sur Esmeralda et les trois hommes qui l’aiment, ou plutôt qui disent l’aimer, dans une adaptation de Jeanne Desoubeaux qui met ainsi à jour des problématiques contemporaines : désir et viol, « amour » et féminicide. Phoebus, Martial Pauliat, ténor formidable, ambigu jusque dans son genre, la désire tant qu’il la viole alors même qu’elle l’aime. Frollo, Renaud Delaigue, basse terrible chante son amour pour mieux la piéger et la tuer. Quasimodo (Christophe Crapez) et Clopin (Arthur Daniel) qui est aussi le narrateur assistent à la poursuite impitoyable d’Esmeralda, interprétée par Jeanne Mendoche, fragile et résistante, amoureuse et libre, touchante et magnifique comme sa voix.
Après une surprenante et longue introduction électro qui accompagne une scène de carnaval échevelé, l’arrangement musical de Benjamin d’Anfray, joué sur scène par l’ensemble Lélio, sur instruments historiques, met en valeur les partitions des 5 personnages en choisissant de supprimer la plupart des chœurs. Peu de chœurs donc mais celui de la taverne est très réussi grâce à l’engagement de tous et toutes, comédiens/chanteurs, musiciens et musiciennes, techniciens.
Le contraste saisissant entre l’introduction et la musique de Louise Bertin, sensible et romantique marque la volonté de Jeanne Desoubeaux de confronter le Moyen Age de l’intrigue, le 19ème siècle de l’œuvre et son retentissement dans notre monde à nous.
Et c’est peu dire qu’affirmer que La Esmeralda et ses audaces résonnent en nous !
Marianne Grissolange Leguen
Jusqu’au 3 décembre du mardi au samedi à 20h et dimanche à 16h – Bouffes du Nord, 37 bis bd de la Chapelle, Paris 10è – Réservation : sur place, 01 46 07 34 50, sur www.bouffesdunord.com et FNAC.
→ Le 9 décembre 2023 à l’Opéra Grand Avignon → Le 18 janvier 2024 au Centre d’Art et de Culture, Meudon → Le 2 février 2024 à l’Opéra de Vichy → Les 30 et 31 mars 2024 à l’Opéra de Tours
Des militants partagent ici des critiques littéraires, musicales, cinématographiques ou encore des échos des dernières expositions mais aussi des informations sur les mobilisations des professionnels du secteur artistique.
Des remarques, des suggestions ? Contactez nous à culture@snes.edu