Dans une famille au fonctionnement bancal, survient un jeune homme que la mère, femme légère, a séduit et ramené chez elle.
Sa présence dans la maison n’est pas du goût de Jill, l’adolescente de quatorze ans, boulimique bougonne et passionnée de cuisine.
Le père qui, toute sa vie, a exploité sa ressemblance avec Elvis Presley est aujourd’hui dans un fauteuil roulant, végétatif.
Que va-t-il se passer entre la mère nymphomane, anorexique et alcoolique, l’adolescente qui enfourne des tartes et s’éveille à la sexualité et un père grabataire dont le sexe est constamment en érection.
Tension et rivalité vont être conduites au paroxysme par la difficulté de choisir entre la mère et la fille, d’une espèce d’ange satanique ou d’homme terriblement ordinaire.
Le spectacle qui résulte de cet embrouillaminis sulfureux est tout à la fois drôle et pathétique, irrésistible et douloureux. Il est rythmé par des intermèdes chantés au cours desquels, le père ressuscité, est renvoyé à sa passion passée pour Elvis Presley. Il devient, l’espace d’une chanson,
la réincarnation de la « bête de scène », l’artiste le plus sensuel et le plus érotique de l’histoire du rock et de la pop.
« La cuisine d’Elvis » est une pièce hybride qui restitue tout ce qui peut se passer entre les quatre murs d’une pièce, entre des personnages à vif, avides, impatients, pressés de céder à l’opportunité et au désir qui leur vient.
Ils sont surpris dans leur intimité, en état d’incandescence. Mettant leurs travers, leurs secrets en lumière, ils deviennent, dans des intervalles pathétiques, les spectateurs d’eux-mêmes et de leurs agissements.
La pièce de Lee Hall relayée par la mise en scène jubilatoire de Pierre Maillet est-elle comédie dramatique ou cabaret tragi-comique ?
C’est en tout cas, un spectacle qui mélange avec bonheur différents genres théâtraux, où le même décor tient à la fois du laboratoire culinaire, de l’intérieur petit-bourgeois et de la scène de music-hall.
Et tant mieux si le sujet de la pièce est indéfini, si les ingrédients dramatiques qui le sous-tendent
vont de la haine à la jalousie, de la faiblesse du mâle pris de désir, du dégoût jusqu’à l’attirance et peut-être jusqu’à la folie des êtres quand ils sont égarés dans la solitude.
Les comédiens sont tous épatants et en sortant, nombreux étaient les spectateurs qui fredonnaient une chanson d’Elvis Presley…
Bon signe !
Francis Dubois
Théâtre du Rond-Point 2 bis avenue Franklin-Roosevelt 75 008 Paris
Réservations (partenariat Réduc’snes tarifs réduits aux syndiqués Snes mais sur réservation impérative) 01 44 95 98 21 / www.theatredurondpoint.fr
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