Après Jacques Villeret et Clovis Cornillac, Jean-Jacques Vannier s’empare du texte tragi-comique de Patrick Süskind. Un contrebassiste fait un éloge dithyrambique de la contrebasse qu’il juge comme l’instrument central de l’orchestre car le plus grave. C’est la contrebasse qui va magnifier les autres instruments et la voix de la chanteuse. Mais dans la phrase suivante, et toujours avec la même emphase, le musicien se met à vomir cet instrument si encombrant qu’il dévore celui qui en joue. Tour à tour alliée et ennemie, elle est l’exutoire qui lui permet de déverser sa colère et ses frustrations artistiques et amoureuses. Démarrant par des explications sur son instrument, il va, aidé par les nombreuses bières qu’il sort d’un frigo qui en déborde, passer rapidement et avec une parfaite mauvaise foi à des jugements décisifs sur les musiciens, « Mozart très surfait », « Wagner même pas instrumentiste », et parler de sa déception amoureuse. La soprano qu’il aime ne le remarque même pas, derrière cet instrument qui le masque, et lui préfère sûrement un musicien plus en vue et plus riche.

Jean-Jacques Vanier, dont on a souvent admiré les qualités d’humoriste, réussit ce que cherchait Patrick Süskind : nous faire rire avec ce monologue plutôt tragique. Il est ce musicien frustré et en colère, que son instrument condamne à être un prolétaire de l’orchestre, moins reconnu que le cymbaliste qui, lui au moins, a le statut de soliste. Emporté par la colère, le comédien exhale les rancœurs du musicien mais fait aussi sentir la solitude de cet homme qui n’a que son instrument à qui se confier. Il l’aime et il la hait, cette contrebasse qui brille sur la scène comme indifférente aux sentiments qu’elle a provoqués.

Micheline Rousselet

Jusqu’au 5 novembre au Théâtre du Lucernaire, 53 rue Notre-Dame-des-Champs, 75006 Paris – du mardi au samedi à 19h, le dimanche à 16h – Réservations : 01 45 44 57 34 ou www.lucernaire.fr


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