Il y a quarante ans Jean-Claude Carrière adaptait pour Peter Brook l’un des plus célèbres contes soufi du Persan Farid Uddin Attar (1142-1220). La conférence des oiseaux raconte comment, encouragés par la huppe lassée de leurs querelles, les oiseaux partirent dans un long voyage pour rencontrer le Simorg, leur véritable roi. Chacun trouvait un prétexte pour ne pas partir, le moine arguait de sa faiblesse, le paon de sa différence, le faucon de sa proximité avec le Prince, la perruche se trouvait bien dans sa cage, le rossignol ne pouvait quitter sa rose ni le canard sa mare. Ils finiront par accepter d’abandonner leur confort et au bout du voyage, après avoir traversé sept vallées, ils découvriront que Simorg n’est autre que le miroir d’eux-mêmes.

Théâtre : la conférence des oiseaux
Théâtre : la conférence des oiseaux

Guy-Pierre Couleau s’est emparé de ce texte poétique, où la narration du voyage, qui décrit le chemin que chacun de nous doit parcourir à la rencontre de lui-même et d’un monde plus harmonieux, est entrecoupée de contes et d’anecdotes, par exemple sur la versatilité des princes. En fond de scène, dix miroirs triples servent de loge où les acteurs viennent mettre leurs masques. Ils renvoient aussi à l’étymologie du mot Simorg, trente oiseaux. Les masques crées par Kuno Schlegelmilch, le maquilleur et créateur de masques pour Chéreau (La reine Margot) et Bob Wilson (Les fables de la Fontaine), sont magnifiques de légèreté et de délicatesse. Les déplacements des acteurs sont millimétrés, qu’ils se détachent du groupe pour exprimer leur singularité ou se serrent au centre de la scène pour leur périlleux voyage. Ils adoptent les attitudes correspondant au caractère des oiseaux qu’ils incarnent. La chouette, sûre d’elle, a des attitudes de bourgeois replet, mains croisées sur le ventre, le paon parsème son discours de roues dessinées avec les bras. La mise en scène ne s’embarrasse pas d’accessoires. C’est le corps des acteurs qui devient éloquent. Un prince se plaît-il à tirer à l’arc sur une pomme placée sur la tête de son esclave, les acteurs feront l’arc, la flèche qui vole vers sa cible et aussi la pomme ! Une petite baguette d’osier tenue par la perruche devient la cage où elle se complaît. Les acteurs quittent régulièrement leur masque pour raconter les histoires qui entrecoupent le récit. Luc-Antoine Diquéro donne à la huppe la sagesse de celui qui convainc le peuple des oiseaux de la nécessité du voyage. Pour ce voyage qui emmènera ces oiseaux loin de chez eux, Guy-Pierre Couleau a souhaité faire appel à des acteurs d’origines diverses. On entend la musique du persan à travers le poème récité par Shahrokh Moshkin Ghalam.

Il y a une actualité dans ce texte qui parle de migrations. Ces oiseaux disent qu’il n’est jamais simple de partir, que l’on risque sa vie à le faire et que la tentation d’abandonner est grande. Mais il y a beaucoup plus dans ce texte. Dans ce voyage, ces oiseaux qui sont à notre image, partent à la découverte d’eux-mêmes et cherchent un sens à leur existence. C’est une vision humaniste, spirituelle et poétisée de notre monde que porte ce texte et cette mise en scène en exalte le message et la poésie.

Micheline Rousselet

Lundi, mardi, vendredi à 20h, jeudi à 19h, samedi à 18h, dimanche à 16h, relâche le mercredi

Théâtre des Quartiers d’Ivry

Manufacture des Œillets, 1 place Pierre Gosnat, Ivry-sur-Seine

Réservations (partenariat Réduc’snes tarifs réduits aux syndiqués Snes mais sur réservation impérative) : 01 43 90 11 11


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