Dans ce texte écrit à la première personne Ovidie livre les raisons pour lesquelles elle a décidé, il y a huit ans désormais, de quitter l’hétérosexualité. Elle dit qu’il ne s’agit « ni d’un essai, ni d’un manifeste encore moins d’un projet de société mais « d’un exutoire, d’un texte cathartique, d’un discours de colère et de désespoir ». Avec colère, mais aussi avec un humour corrosif, elle dit son refus « d’une vie entièrement tournée vers le désir des hommes » et se dresse contre la servitude volontaire que s’imposent les femmes dans le but de plaire aux hommes, ce que la société leur peint comme un impératif catégorique. Tant pis pour la douleur, celle des talons aiguilles qui font saigner les pieds, des épilations douloureuses, de la chirurgie esthétique à répétition y compris du sexe, etc. Elle ose parler de tout, de la douleur des relations sexuelles, de l’ennui quand cela dure, de l’incapacité des hommes à les faire jouir. Elle parle des femmes qui n’en peuvent plus de faire semblant et dit « Évidemment que nous sommes mal baisées …mais nos partenaires ont leur part de responsabilité dans cette affaire » et conclut « Je ne suis pas mal baisée parce que je suis féministe … je suis féministe parce que je suis mal baisée »

Ovidie a mis en scène son texte et trouvé en Anna Mouglalis l’interprète parfaite. On se souvient d’elle dans le rôle de Mademoiselle Julie de Strindberg ou de sa participation au spectacle Sorcières de Mona Cholet. Ancienne mannequin, actrice accomplie, féministe engagée, sa voix profondément grave passe de la dénonciation ironique à la colère calme. Elle appelle un chat un chat, s’élève contre la servitude volontaire des femmes qui les conduit à soumettre leur corps aux fantasmes masculins, à s’angoisser face au moment, qui arrive bien vite, où il ne sera plus désirable, à se laisser envahir par la jalousie et à préférer la rivalité à la sororité. L’actrice est debout, marche, s’adresse à la salle, s’interrompt pour laisser voir des projections d’images diffractées évoquant tout ce qu’une société au service des hommes impose aux femmes. On rit souvent, on se souvient, on pense à tous ces non-dits, à toutes ces injonctions que l’on a acceptées. Le texte apparaît d’autant plus nécessaire que la période est plutôt au recul des droits des femmes et que, après le succès de #MeToo, leur parole est plus souvent remise en cause avec le réveil des masculinistes. La salle est conquise, les femmes bien sûr, mais les hommes aussi car tous ne sont pas stupides et aveugles aux rapports de domination.

Un texte fort porté par une actrice magnifique.

Micheline Rousselet

Jusqu’au 25 octobre au Théâtre de l’Atelier, 1 Place Charles Dullin, 75018 Paris – du mardi au samedi à 21H, le dimanche à 17h – Réservations : billetterie@theatre-atelier.com ou 01 46 06 49 24

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