Ils sont six, cadres de haut niveau ou experts, travaillent dans des grandes entreprises, des banques, des compagnies d’assurances ou des cabinets ministériels. Ils ont fréquenté les Grandes Écoles, où on leur a enseigné que l’économie est une science comme les maths ou la physique, que ses lois sont objectives, que le capitalisme libère et qu’il suffisait de mathématiser le réel pour que les déséquilibres passagers se résolvent. On a juste oublié un adjectif, l’économie est une science humaine. On leur a dit que Droite et Gauche sont des concepts dépassés et que c’était de l’idéologie. Ils y ont cru avec conviction. La bonne nouvelle c’est qu’ils ont compris que ça ne marchait pas, que même si on s’investit ça ne paye pas toujours, que même Alan Greenspan, responsable de la Banque Fédérale américaine, avouait piteusement en 2008 lors de la crise des subprimes « I can’t fully understand what happened » ! Bref ils ont compris que ce qu’on leur avait inculqué c’était justement de l’idéologie.

Théâtre : la bonne nouvelle
Théâtre : la bonne nouvelle

François Bégaudeau, pour le texte et Benoit Lambert, pour la mise en scène se sont inspirés du livre de Pierre Bourdieu et Luc Boltanski, La production de l’idéologie dominante , et le résultat est tout à fait jouissif car la conversion est un très bon ressort comique. Dans la première partie les héros vont se raconter, dire quel fut leur parcours, en quoi ils ont cru. Ils sont divers, il y a le parfait versaillais qui a fait une carrière à l’international car la France, c’est trop étriqué, la fille de profs de gauche passée par l’ENS puis l’ENA, qui trouve qu’en France on fait trop de politique et pas assez d’économie, celui qui a gravi les échelons sans diplôme grâce à ses talents de vendeur… Dans la seconde partie ils vont expliquer leur conversion. Ils ont pris conscience du ridicule des « week-end corporate » où on fait le haka pour montrer qu’on est combatif et qu’on va gagner, ils ont compris ce que cachait l’utilisation d’euphémismes – comme collaborateur plutôt qu’employé ou donner du sens plutôt que motiver – ou la vanité de l’abus de mots anglo-saxons sensés faire plus sérieux – win-win plutôt que gagnant-gagnant, team plutôt qu’équipe.

Les six acteurs sont très efficaces et convaincants. Benoît Lambert les met en scène comme dans une émission de télé-réalité où une sorte de meneur de jeu les fait parler, dialoguer, se confesser. Le détournement des codes de ces émissions de télévision est très drôle. En fond de scène, sur un écran de lampes LED colorées, le meneur de jeu fait inscrire des phrases marquantes de la confession des convertis, un lâcher de ballons multicolores marque leur conversion et la salle est conviée à participer à la joie des convertis. La mise en scène adopte à fond le côté sitcom et show avec musique et chansons, prouvant ainsi que l’on peut parler de choses sérieuses au théâtre sans ennuyer.

Reste la question finale : ils en sont sortis mais pour aller où ? Ce sera pour une autre pièce, espérons-le et en attendant, courez-y, emmenez-y vos élèves, vous passerez une très bonne soirée.

Micheline Rousselet

Mardi, mercredi, jeudi à 19h30, vendredi à 20h30, samedi à 18h, dimanche à 16h

Théâtre de la Commune

2 rue Edouard Poisson, 93304 Aubervilliers

Réservations (partenariat Réduc’snes tarifs réduits aux syndiqués Snes mais sur réservation impérative) : 01 48 33 16 16

En tournée ensuite


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