Théâtre : L'avaleur

Après Le faiseur de Balzac l’an passé, Robin Renucci et Les Tréteaux de France poursuivent leurs projets sur le travail, la richesse et la création de valeur avec cette pièce, tirée de Other People’s Money, écrite en 2000 par l’Américain Jerry Sterner.

Théâtre : L'avaleur
Théâtre : L’avaleur

Dans cette satire cruelle, que l’adaptation a située en France, s’affrontent deux mondes, celui du capitalisme paternaliste à l’ancienne et celui financier des traders avec ses OPA hostiles. Dans le premier camp, le PDG d’une entreprise de câbles installée à Cherbourg, une entreprise familiale qu’il a fait fructifier, aidé de sa collaboratrice de toujours. L’entreprise marche bien, il pense avoir une part de capital suffisante pour lui assurer le contrôle de l’entreprise, il aime son métier et croit en l’élargissement du bien être de tous grâce à l’activité de l’entreprise. C’est alors que survient Franck Kafaim, trader à la City de Londres, qui a décidé de lancer un raid sur cette entreprise dans le but de la racheter puis de la dépecer, en faisant un joli bénéfice. Il est l’avaleur , un ogre avide d’argent et de pouvoir, mais aussi boulimique d’éclairs au chocolat ou de femmes ! Il y a enfin une jeune avocate d’affaires qui a bien envie d’engager le combat avec cet ogre, tout en ne sachant pas toujours très bien dans quel camp elle joue, et un directeur général, attaché à l’entreprise, mais qui s’interroge sur la meilleure stratégie personnelle à adopter pour ne pas perdre trop de plumes dans cette affaire !

C’est un véritable combat où s’affrontent deux systèmes de valeurs qui se livre sous les yeux du spectateur, un combat où vacillent les certitudes tranquilles du PDG à l’ancienne et de sa collaboratrice et où le cynisme et la goinfrerie du monde de la finance éclatent au grand jour.

C’est une histoire tout à fait proche de la réalité économique actuelle, comme l’étaient les pièces de Michel Vinaver, avec son lot de rachats d’entreprises, ses délocalisations, ses coups financiers où seuls comptent les profits, mais c’est passionnant et drôle, inquiétant aussi, car cet avaleur est un ogre qui avance, à la fois effrayant et attirant, sans se préoccuper des dégâts qu’il crée.

Robin Renucci, qui met la pièce en scène, a organisé le plateau comme une sorte de ring. Au centre une bobine de câbles fait office de table basse, de part et d’autres deux fauteuils et au fond deux écrans, l’un évoque Cherbourg avec film d’entreprise ou vue sur le port, l’autre la City et ses buildings. Les cinq acteurs sont presque toujours en scène, tantôt dialoguant ou s’affrontant au centre, tantôt sur les côtés à l’écoute, en attente. Pour ne pas perdre le côté comique de la pièce, Xavier Gallais qui interprète Franck Kafaim, est équipé d’une perruque à la mèche blonde et surtout d’un équipement qui le rend obèse. Il est cet avaleur égoïste, goinfre et grossier qui est prêt à utiliser toutes les armes, de l’argent à la menace et à la séduction, pour gagner. Il épouse à la perfection les excès de son personnage, répugnant mais aussi un peu attirant comme le sont les ogres. Face à lui, Jean-Marie Winling est le PDG calme, tranquille, attaché à son entreprise et à ses valeurs, qui refuse de penser que le pire est possible. Nadine Darmon est Béatrice la fidèle assistante qui soutient son ami et tente d’obtenir l’aide de sa fille devenue avocate d’affaire dans un grand cabinet international. Celle-ci, très bien interprétée par Maryline Fontaine, apparaît en jeune femme ambitieuse qui s’est éloignée des valeurs familiales et pour qui cette affaire est un combat à gagner. Elle a bien envie de vaincre ce Franck Kafaim si sûr de sa réussite et de sa victoire, si exaspérant dans ses certitudes. Robin Renucci est le directeur général, dont les certitudes vacillent et qui flotte un peu entre les deux camps.

Ce n’est pas un conte avec un ogre, mais une histoire d’aujourd’hui. On ne pleure pas mais on est en empathie avec les personnages, on se révolte et on se laisse séduire. C’est passionnant.

Micheline Rousselet

Du mardi au vendredi à 20h, le samedi à 19h, le dimanche à 16h

La Maison des Métallos

94 rue Jean-Pierre Timbaud, 75011 Paris

Réservations (partenariat Réduc’snes tarifs réduits aux syndiqués Snes mais sur réservation impérative) : 01 48 05 88 27

En tournée dans toute la France ensuite

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