Nous avons tous peur du jugement des autres, peur d’être ridicule, de n’être pas à la hauteur de ce que notre employeur, notre partenaire dans la vie, nos amis attendent de nous. La trouvaille de la pièce de Steven Berkoff, dramaturge, metteur en scène et acteur bien connu, c’est d’alterner le discours des personnages dans la vie et ce qu’ils se disent à l’arrière de leur cerveau, quand ils relâchent l’emprise de leur surmoi. Et là ce qui se dit est beaucoup plus vulgaire, plus cru, laisse libre-cours aux désirs que chacun s’interdit d’exprimer par peur de choquer ou de cesser de plaire. L’auteur appuie le trait, croque des personnages écartelés entre leurs envies et la peur du jugement des autres. Le télescopage est violent, la langue ose tout pour dépasser les normes sociales, la bienséance, la morale, les préjugés et l’hypocrisie sociale.
Sophie Lecarpentier, la metteure en scène, dit de Steven Berkoff qu’il écrit « des partitions pour acteurs comme de la musique qui demande à être interprétée pour révéler sa puissance ». Elle a donc pris le parti d’une scénographie épurée : pas de décor, seulement cinq chaises d’écoliers, un fil rouge et un grand drap blanc où les amants peuvent se blottir … ou se tourner le dos ! Le comique crée par la collision constante entre le discours social convenu, où l’on parle de choses et d’autres de façon policée, et la pensée intérieure pleine de rancœurs, de peurs et de désirs inavoués, est servi par la mise en scène. Les acteurs se glissent sous les chaises ou s’avancent brusquement pour dire ce qu’ils ont en tête et qui contredit ce qu’ils viennent de dire à haute voix. Toute la place est donc donnée aux acteurs, à leurs paroles mais aussi à leurs corps, des corps qui se lâchent aussi, comme la parole. On rote, on pète, on baise et … on converse aimablement ! Stéphane Brel, Fabrice Cals, Anne Cressent et Julien Saada sont excellents. Un altiste crée un univers sonore, tantôt tranquille comme les propos échangés, tantôt grinçant et décapant, quand le monde intérieur des personnages transgresse leurs bonnes manières.
Micheline Rousselet
Du mardi au dimanche à 18h30, relâche le lundi et le 7 février
Théâtre du Rond-Point
2 bis avenue Franklin D. Roosevelt, 75008 Paris
Réservations (partenariat Réduc’snes tarifs réduits aux syndiqués Snes mais sur réservation impérative) : 01 44 95 98 21
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