Représenter dans ses pièces le monde du travail et de l’entreprise, Rémi de Vos en est coutumier. Il n’est pas question pour lui d’en faire une étude sociologique, mais d’utiliser la vis comica qui fait sa force comme le lui a dit un jour Jean-Michel Ribes. Violence au travail il y en a bien dans Kadoc , avec ses jalousies, ses querelles d’ego, ses ambitions où certains sont prêts à tout pour une promotion tandis que d’autres craignent surtout l’échec. L’absurdité des règles, les préférences souvent arbitraires affichées, l’orgueil des positions atteintes ou ambitionnées finissent par irriguer même la vie privée.

Dans Kadoc on a donc un employé qui perd pied en raison de la pression qu’il subit et qui voit chaque matin une sorte de singe se dandinant installé à son bureau, un petit chef qui rêve de devenir grand et pour cela adopte un ton cassant et traite tout le monde de con, leurs épouses respectives et enfin un chef tout aussi paumé doté d’une femme atteinte du syndrome de Tourette, qui brusquement lance des bordées d’insanités.

Théâtre : Kadoc
Théâtre : Kadoc

Jean-Michel Ribes s’est régalé à mettre en scène cette comédie déjantée où le burlesque vire peu à peu à la folie. La scénographie de Sophie Perez épouse le côté fou de la pièce. Des successions d’escaliers qu’il faut monter et descendre de façon tout aussi arbitraire que les décisions dans l’entreprise, des structures molles à la Dali en fond de scène, des bureaux modernistes aux formes loufoques, tout concourt à créer un monde aussi dingue que cauchemardesque.

Les auteurs développent une folie à la hauteur du texte et de la mise en scène. Gilles Gaston-Dreyfus est le petit chef prêt à tout, ou presque, pour prendre la place de chef, s’enfonçant avec une arrogance et une stupidité magistrales dans tous les quiproquos, tandis que sa femme Anne-Lise Heimburger s’efforce d’être à la hauteur de ce qu’elle imagine qu’on attend d’elle. Yannik Landrein incarne l’employé obsédé par les visions de ce singe-gnome qui occupe son bureau tous les matins. Il pète les plombs, s’agite, virevolte, saute partout sous l’œil de plus en plus ahuri de sa femme (Caroline Arrouas). Jacques Bonnaffé est le chef Wurtz que tout le monde craint, complètement déjanté dans sa façon de donner ses ordres (ou comment imposer la priorité du mystérieux dossier Karflex !) et surtout totalement dépassé par la folie de sa femme. Enfin celle-ci, Marie-Armelle Deguy, ose tout. Capable d’un regard d’un vide abyssal elle passe brusquement à la folie. Elle fait merveille dans le repas final où plus personne ne sait où il en est. Elle arrive à jouer sur le fil laissant les spectateurs entre rire et cauchemar. Elle est formidable.

En nous faisant rire sur ce que l’envie de réussir, la peur de l’échec, l’insécurité au travail dans l’entreprise et leur impact sur la vie privée peuvent avoir de cauchemardesque, Rémi de Vos, Jean-Michel Ribes et les acteurs réussissent leur pari. La folie gagne et on s’en régale.

Micheline Rousselet

Du mardi au samedi à 21h, le dimanche à 15h. Relâche les lundis et les 3 et 29 mars

Théâtre du Rond-Point

2 bis avenue Franklin D. Roosevelt, 75008 Paris

Réservations : 01 44 95 98 21


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