Tout enfant s’est un jour entendu raconter l’histoire de Mowgli, ce petit d’homme adopté par un couple de loups, dont Rudyard Kipling a fait une ode à la tolérance. Dans la jungle Akela, le père loup, doit se battre pour élever cet enfant trouvé, le défendre contre le tigre cruel Shere Khan et l’éduquer avec l’aide de la panthère Bagheera et la tendresse de l’ours Baloo. Devenu adulte Mowgli aidé par Bagheera rejoint le monde des hommes mais il sera, là aussi, considéré avec méfiance. Les lois des hommes ne sont pas celles de la jungle, mais dans les deux mondes la différence est mal acceptée.
Robert Wilson a fait du Livre de la Jungle un spectacle de théâtre musical tout public. Le groupe Cocorosie des sœurs Bianca et Sierra Casady, avec lequel il a déjà travaillé, a écrit les paroles et la musique, interprétée sur scène par trois musiciens. On passe des chansons de la comédie musicale au blues sensuel de Bagheera (Olga Mouak). La musique est un découpage de styles et de culture qui s’adapte à merveille à cette histoire où le monde de la jungle rencontre celui des hommes.
Pour Robert Wilson le texte n’est pas primordial. « Ce qu’on voit est aussi important que ce qu’on écoute et on peut mieux écouter quand ce que l’on voit n’est pas illustratif de ce qu’on entend ». Il y a tout de même une narratrice en robe à broderie anglaise blanche qui fait avancer le conte. Les chansons en anglais offrent une respiration aux récits et dialogues parlés en français. Pour le reste place au merveilleux et à l’imaginaire. Les comédiens-chanteurs ne sont pas déguisés en animaux. Des maquillages, des oreilles pour les loups, le tigre et l’ours, une longue queue et un fourreau de velours noir pour la panthère suffisent pour qu’on les reconnaisse. Les costumes jouent sur les contrastes, Shere Khan est en tenue de camouflage jungle, Baloo en costume à carreaux écossais tendu sur un ventre bien rond, Mère Louve en robe colorée et Père Loup en jeans. Il y a surtout un travail sur les lumières réalisé par Bob Wilson qui est exceptionnel. Le fond de scène s’éclaire de gris et de roses, l’ombre descend laissant les personnages s’agiter en ombres chinoises, le rouge envahit l’écran puis laisse place à l’obscurité.
Décor, jeu, chant et danse forment un tout dans ce spectacle où le monde de la jungle n’est pas plus idéalisé que celui des hommes. Les hommes sont accrochés à leur fusil et à leur télévision et les animaux en sont réduits, à la fin, à tenir leur conseil sur un tas de télévisions usées qui ont pris la place du rocher qui abritait leur assemblée. L’ode à la tolérance se double d’une dénonciation de la pollution qui gagne les endroits les plus éloignés de la planète. Les enfants seront peut-être sensibles au message, mais ils sont surtout éblouis par la beauté des images et par la musique.
Micheline Rousselet
Du mardi au samedi à 19h30, le dimanche 15h
13ème Art
30, avenue d’Italie, 75013 Paris
Réservations : 01 42 74 22 77
theatredelaville-paris.com
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