Par une succession de petits tableaux, souvent drôles, parfois émouvants, Scali Delpeyrat nous parle de lui, « Juif Lot-et-Garonnais », célibataire, ayant adopté un chat car « cela lui a semblé plus facile à faire que d’être l’homme le plus heureux du monde », de son père un peu raciste, de la musique arabe qui le bouleverse, de son besoin de faire des check-lists avant de se rendre à des dîners en ville mais aussi de ses grands-parents maternels échappés de la Rafle du Vel d’Hiv.
Il semble sauter du coq à l’âne, passant brusquement d’un tableau à l’autre en plein milieu de l’histoire, nous laissant en suspens jusqu’à ce qu’une association d’idée, un mot, une situation le ramène imperceptiblement à l’histoire délaissée. Il passe de ses inquiétudes à l’idée de recevoir des amis (mais être invité ne lui semble pas plus simple!) à l’histoire familiale qui aurait pu être tragique. Il fait des check-lists, signale la télécommande encadrée sur le mur, parle de sa grand-mère contrôlée par des « Nazis débutants », du ton des annonces des stations dans le métro. Peu à peu ces énigmes abandonnées sans réponse vont trouver leur explication.
Scali Delpeyrat a travaillé comme comédien avec les metteurs en scène de théâtre les plus connus. Il a aussi tourné dans de nombreux films, écrit et mis en scène des pièces de théâtre, signé des adaptations. A l’image de son petit chat, inquiet quand il le voit sortir et à qui il dit « Je reviens tout de suite », lui aussi promène une solitude mélancolique. Il n’osait pas parler de son histoire familiale, de son amour pour ce père si silencieux. L’écriture de cette pièce l’a libéré et il le fait avec finesse et humour. Fixant le public dans les yeux, se mettant une serviette sur la tête en guise de kippa, s’énervant en cherchant à être le plus précis possible lorsqu’il explique son chemin à un passant égaré puis se reprochant d’avoir pu sembler inquiétant. Le public charmé le suit dans ses élans, ses paniques, ses coq à l’âne un peu fous, ses obsessions et ses émotions.
Micheline Rousselet
Du 9 novembre au 4 décembre au Théâtre de la Ville-Espace Cardin, Petite salle, 1 avenue Gabriel, 75008 Paris – à 20h, le dimanche à 15h, Relâches 11, 15, 21 et 28 novembre – Réservations : theatredelaville-paris.com ou 01 42 74 22 77
Des militants partagent ici des critiques littéraires, musicales, cinématographiques ou encore des échos des dernières expositions mais aussi des informations sur les mobilisations des professionnels du secteur artistique.
Des remarques, des suggestions ? Contactez nous à culture@snes.edu