On peut discuter de la personnalité de Johnny Halliday, de ses qualités de chanteur, mais il est impossible de nier son magnétisme, sa présence fascinante sur scène qui pouvait entraîner ses fans au bord de la folie.

Le 4 septembre 1998, un concert géant de l’idole était programmé au Stade de France. Le déluge qui s’abattit toute la soirée obligea les organisateurs à annuler l’événement entraînant l’écroulement d’un rêve pour les fans qui l’attendaient.

A travers ce spectacle Guillaume Marquet a souhaité « questionner la puissance de l’idole, son emprise sur nos cœurs ». Il va donc au-delà du biopic ou de l’hommage pour nous inviter à une réflexion sur l’idolâtrie. Son texte est drôle, intense, ciselé, intelligent.

La scénographie s’attache à l’essentiel, un micro sur pied et des barrières, celles qui toujours sépareront l’idole de ses fans. Une bande son recrée les cris de la foule qui s’énerve, scande « Johnny, Johnny », le bruit de la pluie diluvienne.

Accompagné par Nathalie Sandoz, il s’est mis en scène. Sans le faire parler, il incarne le chanteur, il épouse sa gestuelle et chante quelques extraits de ses grands succès. Il est surtout le fan, celui qui est très tôt dans la file d’attente pour avoir la meilleure place, qui rêve que le chanteur ne chante que pour lui, qui se tatoue pour l’avoir dans sa peau, qui collectionne des reliques, qui enfin attend sous la pluie et dont le monde s’effondre quand le concert est annulé. Entre burlesque et émotion il convoque aussi l’entourage du chanteur, connus et inconnus : le contrôleur à l’entrée du stade, le producteur Jean-Claude Camus, des scénographes imaginant des arrivées grandioses pour l’idole, un chorégraphe qui s’énerve et crie sur les danseurs et danseuses qui vont accompagner sur scène le chanteur. Se déplaçant dans le temps il incarne aussi Sylvie Vartan, un bébé dans les bras à la clinique où elle vient d’accoucher, et Nathalie Baye assise sur un haut tabouret, vêtue d’un imperméable et cigarette aux lèvres. Toutes deux à leur manière disent comment le succès et les fans dévorent l’idole. Le comédien convoque même Gene Kelly, dont la présence s’imposait avec le déluge qui s’abattait sur le stade, et Maurice Chevalier qui avait dit à Johnny « Tu soignes tes entrées, tu soignes tes sorties et entre les deux tu fais ton métier ». Il est formidable de fougue, d’intensité et de brio.

A la sortie on s’interroge : une idole est-elle encore un homme ou pour le fan devient-elle un Dieu  et quel vide révèle ce besoin d’idole ? Merci à Guillaume Marquet pour ce spectacle subtil, intelligent et très fort.

Micheline Rousselet

Jusqu’au 12 décembre à La Flèche Théâtre, 77 rue de Charonne, 75011 Paris – les vendredis à 21h – Réservations : 01 40 09 70 40 ou info@theatrelafleche.fr


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