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Au début des années soixante-dix le cinéaste Jean Eustache réalise « La maman et la putain » qu’il a écrit pour Jean-Pierre Léaud, Bernadette Lafont et la débutante Françoise Lebrun.

Alexandre vit avec Marie sa compagne qui, bien qu’amoureuse, s’accommode des infidélités de son partenaire.
Lorsque l’histoire commence, le jeune homme vient de subir un revers amoureux et c’est sans doute parce que sa rupture avec Gilberte le laisse décontenancé qu’il entame aussitôt un nouvel épisode amoureux avec Véronika qu’il a croisé du côté du Flore à Saint-Germain-des-Près; une infirmière qui multiplie les rencontres et les aventures éphémères.
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Bientôt Alexandre présente Véronika à Marie et va débuter pour les protagonistes une aventure à trois, plus ou moins consentie par les deux femmes et conduite par un Alexandre qui va, auprès d’elles se complaire dans ses hésitations habituelles.

Le film qui deviendra très vite l’œuvre phare d’une génération, est sélectionné à Cannes en 1973 où il remporte le Grand Prix du Jury.

Pour quelles raisons, des metteurs en scène de théâtre (Jean-Louis Martinelli fut le premier à en faire une adaptation pour la scène à la fin des années 80) s’emparent-ils de cette œuvre tellement cinématographique avec ses lenteurs, ses longs plans-séquences et des dialogues conçus sur mesure pour les comédiens qui donnent à leurs répliques dites selon la diction singulière de chacun, une saveur si particulière ?

Dorian Rossel, jeune metteur en scène suisse qui aime adapter pour la scène des matériaux bruts, romans, bandes dessinées, essais, propose sur le plateau de la salle Topor du théâtre du Rond-Point, sa vision de l’histoire de « La maman et la putain » dans une version théâtrale dépouillée, stylisée avec la complicité de trois comédiens qui s’acquittent proprement de leurs partitions mais qui n’empêchent pas, en écho à leurs répliques, d’entendre les voix, les inflexions vocales des interprètes du film d’Eustache.

Peut-être que, pour apprécier pleinement ses travaux d’adaptation et de mise en scène, faut-il ne pas avoir vu « La maman et la putain » au cinéma, ne jamais avoir entendu les dialogues du film dans le bouche de Jean-Pierre Léaud, Bernadette Lafont et Françoise Lebrun.

La distanciation qu’apporte Dorian Rossel à l’histoire d’Alexandre, Marie et Véronika est le grand atout de la mise en scène dont la fluidité est astucieuse et très plaisante.

Le plateau nu à l’exception de quatre chaises et d’un tourne-disque, s’accorde parfaitement avec le parti-pris de jeu des comédiens qui tentent de donner aux dialogues d’Eustache, cette coloration vocale légèrement atone qui a marqué les films de la nouvelle vague.

Mais la chronique de mœurs plutôt provocatrice qu’était le film de Jean Eustache n’a plus le même impact aujourd’hui et les mots qui avaient cours à l’époque (« merdique » revient régulièrement) apparaissent comme démodés, tout comme l’histoire elle-même, débarrassée avec le temps de son côté sulfureux.

On voudrait adhérer pleinement au spectacle auquel on assiste, reconnaître la fluidité de la mise en scène, les performances des comédiens mais on se heurte trop au souvenir du film pour apprécier.

Les inconditionnels de « La maman et la putain » réentendront les dialogues respectés dans leur intégralité, retrouveront la trame de l’histoire et ceux qui n’ont pas vu le film pourront avoir un aperçu de la conception qu’avait Jean Eustache de la jeunesse de l’après-soixante-huit.
Francis Dubois

Théâtre du Rond-Point 2 bis Avenue Franklin Roosevelt 75 008 Paris

Réservations (partenariat Réduc’snes tarifs réduits aux syndiqués Snes mais sur réservation impérative) 01 44 95 98 21

www.theatredurondpoint.fr

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