« Je m’appelle Bashir Lazhar », c’est ainsi qu’il se présente aux élèves, modeste remplaçant d’une prof disparue tragiquement. Comme souvent dans ce cas, on ne lui a ni fourni la liste des élèves, ni précisé le programme. Alors, il tâtonne, il se lance dans une dictée qu’il tire de la Peau de chagrin de Balzac, en disant naïvement à ses élèves de CM2 « vous connaissez sûrement » (!) et se demande comment faire le programme en casant la visite des pompiers, celle de l’usine de fromage et la représentation théâtrale d’une collègue. Il a l’air un peu vieux jeu avec son taille-crayon mappemonde, ses crayons qu’il taille soigneusement et la façon avec laquelle il insiste sur les fautes de syntaxe et d’orthographe. Et pourtant il écoute les élèves, leur donne des conseils de vie, les aime. Et lui, qui est-il, qui se préoccupe de savoir ce qu’il a vécu, comment il est arrivé là ?

La Canadienne Évelyne de la Chenelière a écrit ce texte adapté au cinéma en 2012. Elle y raconte l’histoire d’un homme en croisant toutes sortes de thèmes. Au premier abord il est question d’enseignement, de choix pédagogiques et de hiérarchies dans l’école mais elle va bien au-delà pour parler de la transmission, de l’amour des enfants, de l’injustice et du courage qu’il faut pour vivre et rester libre.

La mise en scène de Thomas Coste est épurée pour laisser toute la place à la sincérité, à la fragilité et au courage du personnage. Une table, une chaise que le comédien déplace pour faire face aux élèves ou à la directrice ou au commissaire de police. Deux rangées de projecteurs se font face comme encadrant ou scrutant Bashir Lazhar.

Thomas Drelon est cet enseignant cherchant sa classe, perdu dans les couloirs et dans des règles qu’il ne comprend pas. Il enfile sa veste pour faire cours ou se rendre chez la directrice, l’enlève quand il retrouve les émotions de sa vie personnelle. Avec douceur et détermination il porte la voix de cet homme qui lutte pour sa liberté. Liberté d’enseigner, de vivre tout simplement. Il est seul en scène, mais dialogue avec une foule d’invisibles auxquels il se heurte et qu’il doit convaincre. Nul besoin de leurs mots, l’acteur arrive à les faire entendre par sa seule partition. Il est formidable et sa voix douce et résolue résonne longtemps en nous, d’autant plus que Bashir Lazhar n’est pas tout à fait vaincu puisque la petite voix off d’une de ses élèves s’élève à la fin disant qu’elle est devenue une « pro des remplaçants » les accueillant en « assoiffée de connaissances » !

On sourit et on s’émeut dans ce qui est, aussi mais pas seulement, un très bel hommage aux enseignants.

Micheline Rousselet

Jusqu’au 9 avril au Théâtre du Lucernaire, 53 rue Notre-Dame-des-Champs, 75006 Paris – du mardi au samedi à 19h, dimanche à 15h30 – Réservations : 01 45 44 57 34 ou www.lucernaire.fr

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