Le corps d’une femme sculpturale, belle, puissante se tord. Elle parle et dit qu’on l’a toujours appelée Jaz. Derrière elle quatre musiciens de jazz lancent leurs notes plaintives ou révoltées. Jaz passe de la narration au chant. Sa voix puissante et sensuelle est à l’image de son corps. Enfermée dans la lumière crue d’une sanisette, elle parle du viol qu’elle y a subie. Elle parle de cet homme qu’elle avait à peine remarqué dans l’escalier, de sa sidération alors qu’il s’y masturbait en la regardant, de la violence avec laquelle il l’a poussée dans la sanisette et l’a violée. Elle fait même entendre la voix de cet homme tandis qu’il lui dit qu’elle est belle et qu’il la veut. Elle est à la fois terrorisée – il tremble et la menace d’un couteau – et emplie de honte. Il lui a dit qu’il y a des femmes à viol. Alors elle se sent coupable et se demande quelle erreur elle a pu commettre.
Alexandre Zeff a mis en scène ce texte d’un auteur ivoirien, Koffi Kwahulé qui n’hésite pas à déclarer « Je me considère sincèrement comme un jazzman. C’est mon rêve absolu ». La musicalité de son écriture, qui frappe comme un coup de poing, est soulignée ici par la présence sur scène du Mister Jazz Band (Franck Perrolle à la guitare, Gilles Normand à la basse, Louis Jeffroy à la batterie et José Lois Olympio De Campos au saxophone). Le tumulte et la violence du free jazz s’imposent avec la révolte et le désir de vengeance, mais le plus souvent les musiciens accompagnent Jaz et le saxophoniste s’approche parfois d’elle, semblant murmurer à son oreille. Le travail sur la lumière (Benjamin Gabrié), avec la cage lumineuse qu’est la sanisette et le rouge qui s’impose peu à peu, contribue à créer un univers où la révolte et la colère vont pouvoir éclater. Il y a surtout Ludmilla Dabo, dont la voix magnifique, chaude et puissante, va glisser sans cesse de la narration au chant. Qu’elle soit vêtue d’une longue robe fendue qui met en valeur sa beauté, ou demi-nue avec les seins tatoués en déesse de la vengeance, elle domine la scène. Sa voix peut être douce, froide, révoltée ou emplie d’une colère vengeresse. Qu’elle soit murmure ou cri, elle porte la parole de toutes les femmes capables de passer de la peur et de l’humiliation à la révolte et à la vengeance et sa force impressionne.
Micheline Rousselet
Lundi, mardi, vendredi à 20h, jeudi et samedi à 19h
Théâtre de la Cité Internationale
17 boulevard Jourdan, 75014 Paris
Réservations : 01 43 13 50 50
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