Blanche ne va pas bien. Blanche a été violée il y a trois ans. Elle a raconté ce qui lui était arrivé. Tout le monde a fait son travail, la police l’a écoutée et a trouvé les coupables en quelques jours, les médecins l’ont soignée, sa psy l’a écoutée et la justice a condamné les coupables. Certes son petit ami l’a quittée mais ses parents et sa sœur ont été à ses côtés. Comme elle le dit, elle a eu de la chance, elle est en vie et n’a pas le sida. Pourtant en dépit des médicaments et des conseils de la psy, elle n’arrive pas à revivre, travailler, sortir ; elle a peur. La productrice d’une émission de télévision lance un casting auprès de jeunes femmes dans sa situation. Blanche pense que si elle est choisie pour intervenir dans l’émission elle rencontrera la sympathie du public, sa compassion et qu’elle ira mieux.

Valérie Lévy a écrit ce texte pour dénoncer la perversion de la télé-réalité qui a réussi à convaincre les gens que la laisser pénétrer dans leur intimité leur permettrait d’aller mieux. La rencontre de l’auteur avec la réalisatrice et metteuse en scène Nadia Jandeau les a convaincues de poursuivre le projet ensemble. Loin de tout pathos, la pièce pose des questions. Blanche dit qu’elle veut être choisie pour l’émission car « tout raconter permet d’augmenter de 50% les chances de guérison ». Mais elle a tout raconté déjà et tout de suite. Pourtant elle ne va pas bien.

Blanche est dans son petit appartement avec son canapé, son frigidaire rouge et ses vêtements accrochés sur des cintres. Elle vit, prend son petit déjeuner, sort parfois de la scène ou se change. Elle s’est vue confier une caméra pour se filmer et permettre à la production de l’émission de choisir les candidates qu’elle retiendra. Alice de Lencquesaing est Blanche, blessée et fragile, passant de l’anxiété à la colère, de la décision à l’hésitation et de l’espoir au découragement. Face à elle un homme vêtu de noir, silhouette qui se fait oublier, porte la caméra comme un double silencieux. De la main tendue, elle lui demande de filmer ou d’arrêter de filmer. Blanche vit devant nous et sur le voile qui sert d’écran en fond de scène apparaît ce qui est filmé, le visage en plan serré de l’actrice dévoilant toutes ses émotions. La caméra est voyeuse comme la télé-réalité, à la différence près que Blanche peut couper quand cela devient trop insupportable pour elle. Alice de Lencquesaing porte avec intensité le personnage et son dilemme : tout dire et le répéter ou tenter d’oublier et passer à autre chose. Au spectateur d’y réfléchir !

Micheline Rousselet

Jusqu’au 27 mars au Théâtre du Rond-Point, 2bis avenue Franklin D. Roosevelt, 75008 Paris – du mardi au samedi à 20h30, le dimanche à 15h30 –

Réservations : 01 44 95 98 21 ou theatredurondpoint.fr

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