Quel est le secret d’une bonne interview? L’interviewer pose-t-il sa question pour entendre la réponse qu’il attend. Ou bien, au contraire est-il dans l’attente d’une réponse qui va le surprendre..
Sur le plateau blanc et dénudé de la salle Jean Tardieu du Théâtre du Rond-Point, Nicolas Bouchaud et Judith Henry, en toute complicité, explorent la matière singulière de l’entretien.
Pour cela, avec Nicolas Trong, ils sont allés interviewer des interviewers professionnels comme la journaliste Florence Aubenas, l’écrivain Jean Hartzfeld, le sociologue Edgar Morin ou encore les cinéastes Raymond Depardon et Claudine Nougaret.
Ils ont ajouté des extraits de quelques interviews célèbres comme celle de Marguerite Duras ou celle de Michel Foucault qui acceptait de se prêter au jeu de l’interview qu’à la condition d’apparaître incognito avec perruque et derrière des lunettes de soleil.
Pour Edgar Morin, réussir une interview c’est atteindre à ce que dans le flamenco, on appelle «le duende» le moment où le chanteur entre dans un état second. Pour Florence Aubenas, les meilleures interviewers sont les enfants car ils posent des questions pour obtenir des réponses. Pour Max Frisch, il existe un «art de la question». Raymond Depardon lui, ne pose presque pas de questions mais préfère attendre dans un coin, comme en embuscade pour «dégager l’écoute».
La mise en scène même de Nicolas Trong et le jeu «enjoué» jusqu’à l’espièglerie des deux comédiens indiquent que l’interview est une mise en scène, un théâtre, une piste de danse où s’affrontent deux subjectivités.
C’est un divan contemporain. C’est le lieu de la déférence de la flatterie ou celui de l’espace de la dénonciation, des aveux, de l’humiliation.
Certaines interviews sont restées gravées dans les mémoires, ont traversé le temps, sont devenues des références en la matière : les aveux de l’ancien président Nixon sur le Watergate, l’interview posthume du philosophe Heidegger sur son engagement nazi, le faux-entretien de Patrick Poivre d’Arvor avec Fidel Castro, les entretiens de Michel Polac ou ceux de Bernard Pivot….
Le spectacle commence avec Edgar Morin et, à propos de « Chronique d’un été» de Jean Rouch avec la question «êtes vous heureux?». Il s’achève avec la même question presque six décennies plus tard que pose implicitement Raymond Depardon dans son film «Les habitants».
La construction est fluide, l’atmosphère est plutôt à la comédie. Parfois un peu fouillis mais sympathique. On rit pas mal. On se souvient. C’est agréable à voir et à écouter.
Francis Dubois
Théâtre Du Rond-Point. 2, bis Avenue Franklin Roosevelt 75 008 Paris
Réservations (partenariat Réduc’snes tarifs réduits aux syndiqués Snes mais sur réservation impérative) : 01 44 95 98 21
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