De son expérience de travail, avec le metteur en scène Jean-Louis Martinelli, auprès de jeunes en situation précaire placés en foyers, la comédienne Christine Citti a tiré une pièce. Les deux intervenants proposaient ateliers théâtre, ciné-club, réalisation de clips. Mais comment mobiliser ces jeunes dont le quotidien est fait de prostitution, d’inceste et de drogue sur fond d’abandon quand ce n’est pas de violences familiales ?

Christine Citti a choisi quelques individualités. Elle ne raconte pas leur histoire précise, mais s’inspire de ce qu’ils lui ont confié, de leur rage, de leurs révoltes, de leur impression d’être dans une impasse, mais aussi de leurs rêves. Elle sait qu’il n’est pas en son pouvoir de changer leurs vies maltraitées, mais elle veut les sortir du silence, elle veut qu’on les entende.

Jean-Louis Martinelli a choisi des jeunes acteurs capables de parler avec les mots de ces adolescents, que l’on entend peu en général, et tous y parviennent très bien. Christine Citti joue son propre rôle. Elle arrive avec son envie de leur proposer un atelier théâtre et trouve face à elle, entassés sur le canapé, des jeunes désabusés, qui pour la plupart ont déjà renoncé à leurs rêves et fuient dans l’insolence et la provocation. Peu à peu des individus se dégagent du groupe, font alliance ou se font face avec violence. Un ne parle pas mais danse seul, d’autres se lancent dans des disputes violentes. L’inceste, les coups, l’abandon par la famille qui a déjà ses problèmes c’est leur lot. Alors les gardes à vue ou les punitions au foyer ils les brandissent comme des titres de gloire. Quand ils sortent, qu’ils fuguent, c’est pour revenir dans la cité, avec sa violence, ou dans leur famille, tout aussi violente. Leurs propos, qui relèvent plus du coup de poing que de la plainte, sont empreints d’une lucidité impitoyable sur la place des femmes, sur les hommes et sur les inégalités sociales. Les éducateurs font ce qu’ils peuvent, écoutent leurs demandes, qu’ils n’ont le plus souvent pas les moyens de satisfaire. Alors qu’ils ont choisi ce métier pour les aider, ils constatent avec dépit que ces jeunes sortent des foyers avec autant sinon plus de problèmes, car « le foyer c’est un lieu de contagion pas de paix… C’est un service d’urgence ici ».

En faisant entendre la parole de ces jeunes que l’on entend peu dans les salles de théâtre, Jean-Louis Martinelli et Christine Citti ne sombrent pas dans la résignation. Il veulent créer un désir de changement à la hauteur de l’énergie et de la pulsion de vie qui irrigue le corps et les propos de ces jeunes.

Micheline Rousselet

Jusqu’au 5 février au Théâtre du Rond-Point, 2 bis avenue Franklin D. Roosevelt, 75008 Paris À 20H30, dimanche 30 janvier et samedi 5 février à 15h, relâche le lundi 31 janvier –

Réservations : 01 44 95 98 21 ou theatredurondpoint.fr

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