Décidément, la mythologie ne nous lâche pas, voire elle nous taraude. Mais si elle revient sans cesse, c’est aussi en étant revisitée, réélaborée à l’aune de notre époque, culture, contexte.

Que voulait Icare sinon voler loin de son père ? Ce père par qui son malheur arrive, celui de la punition d’être enfermé dans le labyrinthe. Le père aurait-il aussi fait son bonheur en lui donnant le moyen de voler de ses (propres) ailes ? Bonheur illusoire. La chute ? Justement, détournement du mythe : ici, Icare ne tombe pas, il décolle et ne revient pas. Il va voler vers lui-même. Icare aime trop voler. Le fils comprend que le meilleur moyen de fuir le labyrinthe paternel est de rêver, de poétiser, de s’évader par les mots. Il se fait navigateur de l’imaginaire et se déclare « poètier » faiseur de rêves comme on fait des poteries, en les tournant sur eux-mêmes… Petit atavisme paternel, Icare se fait aussi inventeur d’objets insolites, machineries et dispositifs qui peuplent la scénographie d’Icare la tête ailleurs. Quand on dit « la tête ailleurs », on pense « dans les nuages » mais justement Icare ne regarde plus vers le ciel, ni vers la terre. Il regarde en lui : vaincre ses peurs et son isolement, éventuellement par l’invention technique – Icare et Prométhée, même combat ! Il cherche en lui le ressort de son existence, sortir du labyrinthe de son âme mythologique et aller vers une poétique du soi, d’un soi qui ose jouer avec la technique.

Par leur théâtre d’objets, de mots, d’images et de sons, Achille Sauloupqui a écrit et mis en scène le texte et Katerini Antonakaki pour la scénographie et la création sonore, invitent Icare à se fabriquer une histoire à lui. Il et elle jouent aux côtés de Mattias De Gail, histoire de réinventer le trio légendaire : Icare, Dédale, Ariane. L’espace scénique ressemble à un laboratoire secret ou clandestin d’où sortirait un vaisseau spatial d’un genre nouveau. Voyage onirique et initiatique, Icare nous invite à abandonner nos peurs et à prendre soin de soi en libérant notre imagination.

Une belle réussite de la compagnie EO – pEtites perceptiOns qui parvient à rendre si originale cette vieille histoire.

Jean-Pierre Haddad

Avignon Off. Du 3 au 21 juillet 2024. Théâtre du Train Bleu, rue Paul Saïn, les jours impairs à 17h15.

Informations : https://www.theatredutrainbleu.fr/component/sppagebuilder/page/255À venir : Maison du Théâtre / Amiens – du 1er au 3 octobre 2024

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