Dès sa création à Broadway en 1944, cette pièce de Mary Chase a connu un grand succès avant d’être adaptée au cinéma avec James Stewart dans le rôle-titre. Farce douce et onirique, elle met en scène un doux dingue, Elwood, qui s’est inventé un ami qui le suit partout. Le problème est que cet ami, Harvey, est un lapin blanc de 1m90. Cette douce folie perturbe la vie de sa sœur, Vita, qui habite avec lui, et surtout celle de sa nièce à la recherche d’un époux, persuadée que les excentricités de son oncle font fuir d’éventuels prétendants. L’arrivée dans un hôpital psychiatrique, où Vita voudrait faire interner Elwood, va déclencher une suite de gags et de quiproquos hilarants.

La pièce transcende les genres. Loin d’une simple comédie de boulevard elle cultive le goût du non-sens, du burlesque teinté parfois d’une touche de mélancolie, on pense bien sûr au lapin blanc d’Alice aux pays des merveilles mais aussi au film de Capra, La vie est belle.

La mise en scène de Laurent Pelly crée un climat étrange qui convient à la pièce. Dans la pénombre, une silhouette mince et souple, chapeau sur la tête semble glisser sur la scène dans le silence. Des éléments de décor semblent ensuite tomber des cintres, portes de bois sombre d’un intérieur bourgeois puis plus tard portes et comptoir blancs de l’hôpital psychiatrique. Le burlesque s’installe très vite avec des sonneries de téléphone et des éléments lointains et peu audibles de conversation auxquels les personnages surréagissent.

Pour incarner ce doux dingue, gentil et charmeur, qui dit toujours oui, distribue ses cartes de visite sans compter « puisqu’il en a plein d’autres » et propose à tous ses interlocuteurs d’aller boire un verre chez Charlie, Laurent Pelly a trouvé en Jacques Gamblin l’interprète parfait. Dialoguant avec Harvey, son ami invisible, écartant les gens pour laisser le passage à Harvey, se courbant en arrière pour regarde son immense ami, oscillant un peu de gauche à droite après un passage un peu prolongé chez Charlie, souple et bondissant, il donne à Elwood une élégance qui ne fait pas totalement disparaître le brin d’inquiétude que crée sa folie. À ses côtés Christine Brücher incarne la sœur d’Elwood. Tentant de faire face aux excentricités de son frère elle finit par se résigner à le faire interner, mais là, une avalanche de quiproquos va la conduire, échevelée et vêtements en désordre au bord de la folie. En fait ce doux dingue finit aussi par faire perdre la tête au psychiatre en chef (Pierre Aussedat) qui abandonne, sous la contrainte des événements, son attitude très professionnelle pour une conduite surprenante. Et l’avocat (Emmanuel Daumas) ne réussit qu’avec difficulté à garder un peu de raison.

On rit beaucoup dans cette comédie pleine de gags et de quiproquos. Mais sous les rires on entend aussi une petite musique qui nous parle de différence, de solitude et d’incommunicabilité et une ode à la tolérance pleine de poésie.
Micheline Rousselet

Jusqu’au 8 octobre 2022 au Théâtre du Rond-Point, 2bis avenue Franklin D. Roosevelt, 75008 Paris – du mardi au samedi à 20h30, le samedi 8 octobre et les dimanches à 15h – Relâche les lundis et le 1er octobre – Réservations : 01 44 95 98 21 ou theatredurondpoint.fr

Bienvenue sur le blog Culture du SNES-FSU.

Des militants partagent ici des critiques littéraires, musicales, cinématographiques ou encore des échos des dernières expositions mais aussi des informations sur les mobilisations des professionnels du secteur artistique.

Des remarques, des suggestions ? Contactez nous à culture@snes.edu