Zélie s’apprête à entrer en scène pour un concert. Entre les dernières touches de maquillage, les derniers réglages, les encouragements divers, elle reçoit, envoyé par sa mère, le journal intime qu’elle tenait depuis ses six ans. Elle va alors remonter le fil des souvenirs, de son anniversaire où son oncle lui a offert une batterie, de la passion qui la saisit, de son père qui s’y oppose avec tous les arguments possibles : « c’est pas pour les filles », « passe ton bac d’abord », etc. On la voit se disputer avec lui, devenir une adolescente qui se sent moche, tomber amoureuse, trouver un partenaire jusqu’à ce concert qui va démarrer.
L’acteur Luc Rodier a souhaité raconter dans Grande Ourse la naissance d’une vocation et le chemin difficile qu’il faut parcourir avec courage et détermination pour y parvenir. Il a convoqué ses souvenirs, ses désirs, ses espoirs et ses désillusions. Il en a parlé à Étienne Bianco et Guillaume Jacquemont. Tous trois se sont attelés à ce spectacle, le premier pour l’écriture,et le second pour la mise en scène. Mais les frontières n’étaient pas rigides. Chacun a mis une partie de lui, de son adolescence et de son parcours d’artiste. Ils ont décidé de faire du personnage une femme car cela permettait d’introduire de la distance et parce qu’il y a souvent dans le parcours des artistes femmes une difficulté supplémentaire.
La mise en scène de Guillaume Jacquemont, avec peu de choses, crée des univers : des paillettes lancées par l’acteur au-dessus de lui pour marquer le passage des saisons et des années, une lumière éblouissante et un klaxon pour évoquer un accident de voiture. La musique, c’est le rock qui rythme les années lycées et la vie de Zélie.
Seul sur scène avec juste une chaise, Luc Rodier joue tous les rôles. Il est Zélie mais aussi tous ceux qui l’entourent, les techniciens, l’assistant, le père, l’amie avec qui elle échange moult textos et smileys, tous les profs du lycée, le copain avec qui elle va jouer, sa mère qui défend son point de vue contre son père. Il y a une énergie magnifique dans le jeu de ce jeune acteur qui incarne avec sensibilité cette adolescente en train de devenir une femme et une artiste, ses déceptions amoureuses, ses doutes et sa volonté de vivre sa passion, sa révolte contre ce père qui, parce qu’il avait peur pour elle, refusait de l’entendre. Sans jamais singer une femme Luc Rodier en fait entendre la voix et avec lui on éprouve tous les regrets pour ce qu’on n’a pas su comprendre et dire.
Micheline Rousselet
Jusqu’au 22 février au Théâtre Les Déchargeurs, 3 rue des Déchargeurs, 75001 Paris – du dimanche au mardi à 19h – Réservations : 01 42 36 00 50
Des militants partagent ici des critiques littéraires, musicales, cinématographiques ou encore des échos des dernières expositions mais aussi des informations sur les mobilisations des professionnels du secteur artistique.
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