Giordano Bruno a consacré sa vie (1548-1600) à essayer, par la puissance de son raisonnement, de comprendre les mystères de l’univers, en combattant l’obscurantisme de l’Église catholique. Philosophe – mais cela à l’époque inclut les sciences, mathématiques et physique en particulier – il développe une pensée originale, puissante et novatrice que l’Église ne peut accepter. Moine dominicain, il se heurte à sa hiérarchie et doit quitter Naples. Après avoir enseigné dans diverses villes, il quitte l’Italie pour Genève, patrie des calvinistes, puis se réfugie en France où il est protégé par le Roi. Il part ensuite en Angleterre et en 1584 écrit Le souper des cendres. Il se livre à une critique en règle de la physique d’Aristote et annonce son adhésion aux idées de Copernic. Mais à l’encontre de ce dernier, il pense que l’univers s’étend à l’infini dans toutes les directions, donc qu’il ne peut avoir de centre. Il remet ainsi en cause le dogme géocentrique de l’Église. Ni la terre ni le soleil ne sont au centre de l’univers et, comme le soleil, les étoiles sont entourées d’un cortège de planètes. En 1586 il part en Allemagne et après en avoir été expulsé, il va à Venise où il est arrêté et livré à l’Inquisition, qui le ramène à Rome. Au terme d’un procès de six ans où, en dépit de la torture, il refuse d’abjurer, il est condamné au bûcher. Il sera brûlé vif sur le Campo dei Fiori le 17 février 1600.
Laurent Vacher, s’inspirant du souper des cendres et de divers autres ouvrages de Giordano Bruno ainsi que des minutes de son procès, offre un très bel hommage à ce penseur dont les intuitions sur l’infinitude de l’univers et la multiplicité des mondes ne se sont révélées exactes que plusieurs siècles après. A travers ses écrits, ressort le portrait d’un homme à la curiosité insatiable, impétueux, qui bouscule, provoque et dérange. Il oppose à ses juges la puissance de son raisonnement, la force des mots et il ne lâche rien : « Je ne recule point devant le trépas et mon cœur ne se soumettra à nul mortel ».
La scène est nue comme une cellule de moine ou une geôle. Seul un billot évoque les supplices qui attendent le philosophe. Benoît di Marco seul en scène en costume de ville sombre dit le texte faisant ressentir les doutes et la détermination de Giordano Bruno. Au violoncelle Philippe Thibault joue (en alternance avec Clément Landais) une musique qu’il a composée et qui évoque les bruits des astres tels que les perçoivent les astronomes d’aujourd’hui.
Giordano Bruno avait écrit « À aucun moment je n’ai mis en cause l’existence de Dieu, mais la façon dont l’Église nous a présenté sa pensée, pensée d’homme totalitaire voulant asseoir son pouvoir par la terreur ». Son supplice résonne encore dans un aujourd’hui où les crimes contre l’esprit n’ont pas disparu.
Micheline Rousselet
Du 4 novembre 2021 au 9 janvier 2022 au Théâtre de la Reine Blanche – 2 bis passage Ruelle, 75018 Paris – En tournée nationale avant, dates déterminées en fonction de la COVID 19
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