En trois « saisons » on rencontre d’abord un groupe d’activistes résolus à faire bouger la société par leur démarche artistique, ensuite une équipe de scénaristes confirmés échangeant leurs propositions pour l’écriture d’une série géopolitique commandée par de mystérieux clients et enfin des décideurs politiques qui, en dépit de la puissance de leurs moyens, se trouvent pour la première fois aux prises avec un danger mystérieux et inquiétant. À chaque fois revient un nom mystérieux, celui de George Kaplan.

Ce nom se trouve dans La mort aux trousses, le film d’Alfred Hitchcock. C’est celui d’un personnage mystérieux dont on finit par découvrir qu’il n’existe pas. Le jeune auteur Frédéric Sonntag a choisi ce nom pour écrire en 2012 cette pièce, qui s’interroge sur la notion d’identité et sur la question du complotisme, question remise en pleine actualité avec l’épidémie de COVID et surtout l’essor des réseaux sociaux. Des individus agissent dans l’ombre au service d’objectifs plus ou moins ambitieux. Cela commence par un petit groupe d’activistes réunis dans une cave qui discutent et se disputent autour d’un texte-manifeste et sur la façon de s’organiser. Suit un groupe appartenant à l’univers des media où se jouent aussi des questions d’organisation, de pouvoir et d’efficacité. Enfin le dernier groupe appartient à l’élite du pays mais se sent menacé dans sa domination. Tous se heurtent aux difficultés de la prise de décision dans un collectif et des conflits d’ego qui s’y jouent.

La mise en scène de Tudual Gallic place chaque groupe dans son univers. Les activistes du premier groupe sont serrés autour d’une table dans une cave, les scénaristes de l’acte II sont installés autour d’une table dans un décor de panneaux blancs avec une show-runneuse devant son tableau de papier, les puissants de l’acte III, en costume ou en tailleur, occupent tout l’espace du plateau avec un mur d’écrans de contrôle derrière eux. Dans les trois actes le café occupe une place importante dans la sociabilité du groupe, avec toutefois quelques différences. On passe du café soluble du premier groupe à la machine Nespresso du dernier ! Les cinq acteurs (Kevin Abgrall, Léa Darmon-Raphoz, Lucas Berger, Béatrice Paquet, Claire Tabard) incarnent chacun une personnalité à l’œuvre dans le groupe, raisonneuse, interpellatrice, sensible et plus faible ou plus autoritaire. Ils sont tous très convaincants.

La pièce apparaît un peu comme un exercice de style et il y a une certaine jouissance pour le spectateur emporté dans l’écume des discussions et des propositions à être abandonné en plein mystère. Car dans chaque acte un nom revient mais au fait qui est ce George Kaplan ?

Micheline Rousselet

Jusqu’au 31 mars au Théâtre de Belleville, 16 Passage Piver, 75011 Paris – du mercredi au samedi à 21h15 – Réservations : 01 48 06 72 34 ou theatredebelleville.com

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