Le collectif 70 a eu l’idée de réunir deux court textes du Suédois Lars Norén, décédé en 2021, qui résonnent avec le résultat des récentes élections en Suède.

On part de l’intime avec Biographies d’ombres qui fait une autopsie glaçante d’une cellule familiale en train de finir de se désintégrer. Le fils Magnus revient dans sa famille, une famille avec un père qui entend tout régenter pour assurer son autorité de pater familias, y compris sa fille avec qui sa relation semble incestueuse, et une mère prête à tous les dénis pour ne pas perturber la vie familiale. Dans cette famille on ne se parle pas, on se méfie de tout et les enfants n’ont qu’une envie, changer d’air.

Avec Froid on bascule dans la fracture sociale et politique avec une violence accrue. Trois lycéens sans attaches familiales se sont forgés une relation à base de slogans nationalistes et anti-immigrés, de saluts hitlériens et de bières avalées par dizaines. Dans la forêt où ils se sont retrouvés pour une soirée bières-saucisses, Karl, un lycéen qu’ils connaissent va croiser leur chemin. Il est tout ce qu’ils haïssent. Coréen il a été adopté par une famille suédoise aisée et ouverte. Il va fêter sa réussite au bac chez sa grand-mère avant de partir en vacances en Grèce. Tous les éléments de la tragédie sont en place pour que, après un jeu du chat et de la souris cruel, ces adolescents libèrent leurs frustrations et leur haine dans un déchaînement de violence.

Pas de décor, une froideur sur le plateau qui renvoie à la glaciation des rapports dans cette famille qui dysfonctionne pour la première pièce. La tension augmente dans la seconde pièce. Ces trois copains ne communiquent que par insultes, bourrades brutales, slogans primaires. Lars Norén en a fait des archétypes. Il y a le leader qui exalte la force et la virilité, Keith, le suiveur un peu débile, Anders et celui qui cherche à tout prix à être accepté car il n’a rien d’autre, Ismaël. Au bout d’une scolarité chaotique, ils se retrouvent sans perspective d’avenir, plein d’amertumes et de frustrations. Face aux ravages d’une société injuste, ils s’enferment dans une voie sans issue, celle de la provocation raciste, de l’exaltation du fascisme, de la haine contre les immigrés à qui on donne tous les droits au détriment des « vrais Suédois ». Elle les mènera tout droit à la violence la plus ignoble.

La metteuse en scène n’a pas voulu mettre à distance la violence, mais elle n’accule pas le spectateur. Le texte le contraint sans cesse à la réflexion. Les acteurs (Cantor Bourdeaux, Jean-Rémy Chaize, Lou Martin-Fernet, Maud Roulet, Charles-Antoine Sanchez) sont tous très convaincants, mais on retient particulièrement Théo Costa-Marini qui incarne un Keith, intelligent, mais devenu un bloc de violence brutale.

Un spectacle très fort qui, à l’heure où l’extrême droite gagne du terrain dans de nombreux pays européens, encourage à la réflexion et à l’action.

Micheline Rousselet

Jusqu’au 31 octobre au Théâtre de Belleville, 16 passage Piver, 75011 Paris – les lundis et mardis à 21h15, les dimanches à 20h – Réservations : 01 48 06 72 34 ou theatredebelleville.com

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