Les nouvelles de Maupassant sont un régal pour le lecteur. Tout le petit monde de la campagne normande y vit avec ses paysannes girondes aux joues rebondies et ses paysans madrés, souvent portés sur la gnôle. Alain Payen a souhaité en adapter quelques-unes et la salle d’un tribunal avec sa théâtralité lui a semblé être le cadre idéal pour bâtir son spectacle.  Quatre nouvelles mettaient en scène un juge (Le trou, Tribunaux rustiques, Le cas de Madame Luneau, Une vente), siégeant pour des affaires plus loufoques les unes que les autres. On s’amuse beaucoup de la bagarre pour un trou poissonneux, de la femme qui veut récupérer la terre donnée pour s’offrir les services d’un jeune homme, du paysan ivre cherchant à vendre sa femme au mètre cube et du sacristain qui réclame son dû pour avoir accepté d’engrosser une bourgeoise en mal d’enfant. Alain Payen a rajouté deux nouvelles (Lettre retrouvée sur un noyé, Regret) où l’on pouvait imaginer ce juge vieillissant, durci par le spectacle de cette humanité peu brillante qui avait défilé sous ses yeux toute sa vie, se retournant plein de regrets sur les amours qu’il a laissés échapper.

L’acteur arrive et nous demande d’imaginer le lieu, les odeurs. Puis il est le juge toisant plein de morgue cette salle pleine de péquenots. En quelques mots le juge, le public, les plaignants sont cernés. Les descriptions précises des personnages laissent place aux dialogues. La langue du juge se frotte à celle des paysans. L’acteur fait entendre la rugosité de l’accent des paysans normands, les mots simples des parties, la femme qui traite son adversaire de « flibustier », le mari qui dit « j’étais bu » comme si cela était devenu une identité. Il se frotte les mains, matois, et passe en souplesse d’un personnage à l’autre. Il se fait même parfois l’écho de la salle qui manifeste son désaccord ou l’inverse. Le rire est souvent si moqueur qu’il en devient grinçant. L’émotion du juge vieillissant est brutalement cassée par un rire qui ne se veut pas méchant, juste un rire, mais il sonne la défaite et la mort qui va venir. Un très beau seul en scène.

Micheline Rousselet

Reprise à partir du 19 décembre au Théâtre de La Huchette – 23 rue de la Huchette, 75005 Paris – Réservations : 01 43 26 38 99 ou reservation@theatre-huchette.com – nouveaux horaires – mercredi, jeudi, vendredi à 20h, samedi, dimanche et 24 et 31 décembre à 17h30


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